Hier, je me suis posée des questions sur ma santé et mon avenir professionnel et créatif.
Comment écrire quand tu doutes de chacun de tes mots ? Comment écrire quand la fatigue entrave le moindre de tes mouvements et la moindre de tes pensées ? La création n’est pas si simple, n’est pas si facile qu’elle n’y paraît. L’angoisse de la page blanche ne me mord pas, pourtant, mon corps est assoiffé de sommeil et mon esprit s’est embrumé au point de me faire douter de tout.
Je regarde Seigneur-Chat Éden du Carton. Ses yeux luisent dans la lumière. Il me fixe. Il voit. Il sait. Il a hâte que je ne sois plus seule à la maison pour se détendre. Il a hâte que L. rentre et il vient me réconforter. Il se pose sur mes genoux alors que j’écris ces mots et me réconforte de ses ronronnements. Et là encore, il me regarde, m’observe et me scrute. Son regard semble dire « allez, courage maman, ça va aller. Ton énergie tu vas bientôt la récupérer. Sois forte. Et encore plus forte. » Et moi, j’ai envie de lui répondre que je suis derrière mon écran, mon cahier sur le côté de l’ordinateur et que je n’arrive pas à trouver la bonne formule pour commencer à réécrire ce nouveau chapitre, ce fichu chapitre 10.
Frustration, oui, c’est le mot qui me ronge en ce moment lorsque j’entends mes amis parler de soirées, de concerts, de randonnées. Elle me ronge quand je dois faire la vaisselle ou préparer à manger parce que mon corps ne suit pas. Fichue RCH (Rectocolite hémorragique), ou plutôt Colite inflammatoire chronique indéterminée à tendance RCH. Pourquoi je devrais faire comme tout le monde et entrer dans une case ? Je l’ai espérée cette case. Je me disais que ce serait plus facile pour être soignée. Et finalement, une MICI (Maladie Inflammatoire Chronique des Intestins) reste une MICI, peu importe son nom. Elle me ronge le corps à sa guise, quand elle le souhaite, peu importe la vie que je voudrais mener. Alors je passe mon temps à essayer de récupérer, à essayer de me reposer au mieux en espérant un demain meilleur, un demain où je pourrai reprendre le sport et gambader dans ma chère forêt de Brocéliande, un demain où je ne m’essouffle pas lorsque je pends le linge à sécher ou lorsque je passe le balais. Je récupère. Enfin j’essaie, je fais au mieux, parce que quand j’entends mon palpitant cogner contre ma poitrine, mes oreilles siffler en continu depuis presque un mois et demi et les vertiges, accentués par la fatigue et la frustration, qui pointent leur nez quand ça leur chante, je me demande comment c’était avant ? Oui, comment c’était avant que mon corps rechute, avant cette seconde poussée ? Et surtout, comment ai-je géré ma première poussée, il y a neuf ans. Comment ? Comment ? Comment ? Heureusement que j’ai arrêté de me poser la fameuse question « pourquoi ? » à laquelle il n’y a jamais de réponse satisfaisante, sinon je me ferais des nœuds au cerveau.
Frustration, oui, parce que j’appréhende mon futur professionnel. J’ai l’impression de passer mon temps libre à me reposer pour être en forme au boulot. Je vais encore devoir réduire mon temps de travail salarié et ne parlons pas de ce temps de création que je ronge lui aussi pour simplement me reposer pour pouvoir tenir debout. J’ai de la chance d’avoir un patron compréhensif, ce n’est pas le cas de tout le monde. Il protège ses salariés. Bienveillance. Je sais que nous trouverons une solution même si ça veut dire me retirer un projet majeur parce que je ne suis pas fiable. Eh bien non, un salarié malade n’est pas fiable, il peut rechuter à chaque instant. Mais quand on y réfléchit, personne ne l’est à 100 %. Chacun peut, du jour au lendemain, tomber malade ou avoir un accident. Mais ceux qui souffrent d’une maladie chronique doivent se battre plus fort pour qu’on les regarde comme un être humain à part entière et pas seulement comme une être humain malade et fragile, qui peut flancher n’importe quand.
Aujourd’hui, je n’ai pas de solution, je ne sais pas comment gérer cette fatigue, je fais des siestes, je me couche tôt, je suis toutes les recommandations nécessaires à une vie saine, je cherche des solutions alternatives, m’oriente vers les médecines parallèles, puisque l’allopathie ne fonctionne pas très bien et je complète mon alimentation par des minéraux, des vitamines, des oligoéléments… J’ai même recommencé légèrement le yoga pour me vivifier, mais tous ces gestes restent compliqués et douloureux, énergivores. Je sais que je dois être patiente et laisser au traitement le temps d’agir, mais c’est dur à avaler, c’est dur de voir son corps se rebeller, oui, parfois, c’est dur de se dire que demain j’irai mieux, même si au fond de moi je sais que c’est vrai. Alors j’ai écrit ce billet pour me libérer de toute cette énergie négative qui me ronge. Et même si le refuge de mon univers ‘est pas aussi douillet en ce moment qu’il y a quelques mois, je suis sûre que lorsque j’rai mieux il m’accueillera à nouveau à bras ouverts.
Oui, demain j’irai mieux, c’est promis.