Hier, j’ai trouvé un morceau de poulet dans mon risotto aux champignons végétarien.
Végétarienne ? Pas de problème !
J’avais été contactée par l’association qui suivait la création de mon entreprise (close à ce jour) pour me proposer de participer à un speed-meeting, entendez par là un speed-dating pour chefs d’entreprise en mal de clients ou de relations professionnelles. Cette soirée devait me permettre d’échanger avec d’autres créateurs d’entreprise, de partager nos difficultés à trouver des clients, faire notre promotion, échanger des astuces pour que notre business tourne. Je me suis dit : « Pourquoi pas ? »
Mais j’étais déjà sceptique sur le prix, 25 € pour un repas dans un restaurant, apéro offert mais boissons non comprises… et lorsque j’ai précisé que j’étais végétarienne, ainsi que la liste des aliments que je ne mangeais pas (oui, pour certains « végétarien » veut dire qu’on mange du poisson et des crustacés, or ce n’est pas le cas), mon conseiller m’avait assuré qu’il n’y avait aucun problème et que j’aurais mon plat végétarien. Du coup, j’ai accepté même si, intérieurement, je ne le sentais pas parce que je savais que je n’étais pas prête pour ça.
Speed-meeting vs. Speed-dating
J’avais réussi à bénéficier d’un covoiturage sympa avec une nana qui s’est retrouvée être, plus tard, ma voisine de table, et un de ces potes. La soirée commençait plutôt bien et je commençais donc un peu à me détendre.
Imaginant le speed-meeting comme un speed-dating pour chefs d’entreprise où vous changez de table toutes les 10mn pour rencontrer un maximum de personnes, je m’attendais à une petit sonnette qui régulait le temps de parole, comme dans les films. C’était dans un restaurant, l’idée aurait pu être carrément fun. Mais non. Que neni.
Dès l’apéro, c’était complexe, tous debout comme dans un cocktail, le verre à la main, ne mangeant rien, j’ai rencontré quelques personnes, discuté, mais la timidité s’installant, ne me sentant pas à ma place, j’avais du mal à expliquer mon activité. Je parlais plutôt de mes passions qui auraient pu devenir un travail que de mon véritable travail. En somme, je n’avais pas du tout été coachée par mon conseiller pour ce genre d’exercice et j’étais perdue au milieu d’un monde qui me dépassait.
Bilan de l’apéro végétarien : nada ! Rien à bouffer !
Place au repas !
Nous nous sommes retrouvés en petits groupes dispersés par table, et moi, entre un requin, une entrepreneuse ultra dynamique et un entrepreneur qui avait amené sa femme pour l’initier au monde de l’entreprise… ce n’est pas cette tablée qui aurait pu me réconforter dans mes difficultés à trouver des clients. Étant ultra timide, difficile de se lever de table et de rencontrer des clients potentiels alors qu’on mange. En même temps, trouver des clients parmi d’autres chefs d’entreprises, quelle idée ! Enfin, pas si on est graphiste, mais pour les autres métiers, je ne voyais clairement pas l’intérêt d’être là. Les gens n’étaient visiblement pas là pour parler de leurs difficultés à gérer leur entreprise, mais bien pour dégainer des contrats et flatter leur égo.
Miam, un bout de poulet !
Je discute tant bien que mal avec mes voisins, ne me trouvant aucun point commun avec eux. Difficile de se considérer « entreprise » lorsqu’on est seul à bord et freelance… du coup, j’ai beaucoup écouté et mangé. L’assiette qu’on m’avait apportée était similaire à celles des autres, une bonne plâtrée de risotto. Il était plutôt bon d’ailleurs, avec de gros morceaux de champignons, c’était sympa, jusqu’à ma dernière bouchée…
« Oh ! Ce champignon est étrange. Un peu filandreux. Je n’ai eu que des champignons de Paris, c’est bizarre, mais il est rigolo celui-là. Oh ! Mais ce n’est pas un champignon ! C’est du poulet ! »
Et là, la politesse aidant, j’ai avalé tant bien que mal cette dernière bouchée que j’avais déjà bien mastiquée…
Cette soirée, à laquelle je n’avais pas envie d’aller, se terminait là pour moi.
J’avoue, je ne me souviens même pas du dessert, j’ai cogité toute ma fin de soirée : le cuistot n’avait pas dû se faire chier à préparer un truc en plus pour une cliente, il a juste enlevé les morceaux de poulet apparents de mon assiette et me l’a servi telle quelle. Miam ! Vachement professionnel ! Surtout pour un speed-meeting…
Trop timide
Quelques années plus tard, je regrette toujours beaucoup ne pas avoir réagi. J’ai ruminé et n’ai jamais osé ni en parler à mon conseiller, ni porter une réclamation au restaurant. J’ai même regretté ne pas avoir recracher la bouchée pour la retourner en cuisine !
Mal dans ma peau, la sensation de déranger le monde, voilà ce qui m’a empêché d’agir. Pourtant, à l’heure actuelle, quitte à faire une généralité, je trouve dommage que les restos ne se préoccupent pas plus des régimes alimentaires de leurs clients. J’aurais été allergique à un aliment, le traitement aurait-il été différent ? Oui, probablement, parce que le risque est trop grand pour le resto. Et encore…
Mais là, je reste avec le goût amer du poulet dans la bouche, ce profond irrespect qu’on a eu envers moi et le regret de ne pas avoir tapé du poing sur la table…
L’expérience forge
Depuis, j’ai appris à parler avec les serveurs, et à renvoyer mon plat lorsque celui-ci est chargé de morceaux d’animaux, même si, malheureusement, je sais que c’est un morceau d’animal qui est gaspillé. Fût une époque, je ne pensais qu’au gaspillage et avalais. Aujourd’hui, je sais aussi que manger de la viande, après autant d’années sans en consommer (je suis végétarienne depuis plus de 20 ans) peut me rendre malade (c’est déjà arrivé), tout simplement parce que mon organisme n’est plus habitué à digérer ce genre d’aliments.
Alors, c’est promis, demain, je sors de ma coquille et vous devriez en faire autant. 😉
Il est clair qu’aucun resto en France ne fera l’effort de cuire un plat dans des casseroles à part, s’il n’est pas clairement affiché qu’il est pro végétarien. Nous sommes dans un pays qui interdit quasiment de donner de la protéine autre qu’animal dans les cantines… Bref, la consommation ‘terroir’ est valorisée au dépent d’un autre mode de consommation plus bénéfique pour l’individu et l’environnement…
C’est juste dommage et triste, mais qui sait, certains devront peut être faire l’effort de proposer des plats « sans cadavre » à l’avenir, le véganisme devient à la mode! (dit-elle alors qu’elle est carnivore! Mais sympathisante végétarienne!)
😀
Bizarrement, depuis cet incident, je trouve que les habitudes ont bien changé et heureusement ! Mais, là, j’ai trouvé honteux qu’on me fasse payer un repas en m’assurant qu’il me conviendrait alors que pas du tout. J’ai vraiment eu la sensation d’être volée.
Je pense que le repas alternatif végétarien rencontrerait du succès dans les cantines. Finalement, j’ai trouvé que Matthieu Ricard avait raison, c’est le repas le plus laïc de tous : il ne stigmate personne. Je trouve ça parfait. Mais je suis une grande rêveuse 😉
En tout cas, merci de ton soutien N@d. 😉
J’espère que ton article fera prendre conscience, à bien des restaurateurs, que le respect du végétarisme est le respect d’une clientèle consciencieuse. Ceci ne doit pas être pris pour une corvée mais cela tient de l’état d’esprit des gens !
Bisous
Merci à toi 🙂