Hier, je n’ai pas eu envie d’oublier Charlie
Hier, je n’ai pas eu envie d’oublier Charlie.
Je regarde cet avatar sur Facebook, le mien, celui que je ne réussis pas à supprimer, à remplacer. Mon curseur s’approcher, frôle l’icône de modification de la photo de profil et un creux profond se fait dans mon ventre.
Pourtant, je me dis qu’il serait temps de… passer à autre chose. Oui ! Voilà la première expression qui me vient au bout de la plume « passer à autre chose ». Et je m’écœure. J’ai mal. Mal au cœur. Le gouffre se fait plus profond dans mon ventre. Tout simplement parce que je sais qu’on oubliera tous et que beaucoup ont déjà oublié l’horreur et le rassemblement, l’union que ce drame monstrueux à réussi à générer et moi, je ne veux pas oublier. Alors je laisse cette photo de profil, ce « je suis Charlie » polyglotte… pour ne pas oublier. C’est comme une piqûre de rappel, à chaque fois que je me connecte.
A l’heure actuelle, j’ai réussi à changer cette photo pendant 2 jours. Pour un jeu à la con où il fallait mettre une image d’un héro de bandes-dessinées. Je ne fais jamais ces jeux… mais j’avais envie de couleurs. Alors, je l’ai fait et j’ai tenu deux jours. A ce moment-là, je me suis dit que ce serait bien de tourner la page, mais c’était trop dur. Le gouffre est revenu dévorer mon ventre. Alors j’ai remis cette même photo qui me rappelle Charlie…
J’ai mis des couleurs pendant 2 jours… et Charlie est réapparu.
Avant le massacre du 9 janvier, je lisais très peu Charlie Hebdo, voire pas du tout. Maintenant, j’essaie de ne pas l’oublier.
Chaque semaine, chaque mercredi, j’essaie d’aller acheter mon exemplaire et si ce n’est pas possible, j’y vais avant le weekend.
M’abonner voudrait dire que Charlie me doit quelque chose et qu’il vient à moi chaque semaine.
Il arriverait avec le courrier, avec les factures, avec les problèmes administratifs, avec tout ce qu’il y a de pénible dans la vie. Il se perdrait dans la masse.
C’est sûr, j’économiserais de l’argent en m’abonnant… probablement 50 % lorsqu’il y a une offre.
Mais je ne peux pas, parce qu’en allant vers Charlie, je lui montre que je pense à lui, que je suis là pour lui et qu’il existe. Je donne mes 3 € contre un sourire et le plaisir d’avoir la liberté dans les mains. Chaque semaine, je m’achète un morceau de liberté, un de ceux qui font battre mon cœur, vibrer mon âme.
Et aujourd’hui encore, je regarde mon avatar, et je me dis que demain et surtout mercredi 9 septembre, 8 mois après cette horreur, je serai encore et toujours Charlie…