Déc 3, 2025 - Bribes de vies    No Comments

Handicaps invisibles

Trigger warning/éléments déclencheurs

Santé mentale, anxiété, TDAH, TSA, RCH, TAG, endométriose, menstruations, sang, automutilations, idées noires et autoagressives.

Le handicap

3 décembre, il paraît que c’est la journée du handicap, alors, j’ai décidé de vous parler du handicap invisible, celui que personne ne peut identifier de prime abord, puisqu’il est interne… Il touche une majeure partie des personnes porteuses de handicap.s. Pourtant, la dernière fois que j’ai évoqué mon handicap sans le préciser pour une location de maison, on m’a répondu « ce ne sera pas possible, la chambre est à l’étage ». Preuve d’une méconnaissance de ce qu’est un handicap et que la plupart des gens pensent que handicapé.e.s = fauteuil roulant. C’est malheureusement encore un raccourci facile lorsque nous ne sommes pas confronté.e.s personnellement aux différents types de handicaps ou sensibilisé.e.s à ces derniers.

Spoiler alert : tout le monde peut un jour ou l’autre se retrouver dans une situation permanente ou temporaire de handicap. Se casser une jambe, un accident, une dépression passagère, un choc émotionnel… Bref ! Le handicap est partout, mais personne ne le voit vraiment.

Alors c’est parti pour mon coming out officiel, avec des diagnostics qui pour la majorité n’ont pas plus de 2 ans, à part le premier qui en a 16 (RCH) et qui m’a valu mon premier contact avec le handicap et une Reconnaissance de Qualité de Travailleuse Handicapée (RQTH), puis une invalidité avec impossibilité de travailler plus de 16 h/semaine. Ces derniers diagnostics vous expliqueront pourquoi je suis moins disponible pour vous, mes proches, pourquoi je vous vois moins et pourquoi j’essaie de me focaliser sur ma créativité : je cumule les handicaps, c’est un combat au quotidien.

Liste exhaustive de mes handicaps invisibles

  • Rectocolite hémorragique (RCH),
  • Endométriose,
  • Trouble prémenstruel (TPM),
  • Trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH),
  • Suspicion de trouble du spectre de l’autisme (TSA),
  • Trouble anxieux généralisé (TAG).

Voici la liste exhaustive des handicaps reconnus que je porte à ce jour. Aucun n’est mortifère en lui-même au stade où j’en suis, aucun n’est d’une gravité excessive, la difficulté que je rencontre se situe dans l’accumulation de ces pathologies et troubles, auxquelles s’ajoutent plusieurs discopathies et l’organisation des soins de santé qui en découlent.

Même si certains soucis sont stabilisés, comme la RCH, reste l’épuisement, les douleurs quotidiennes qui fluctuent selon leurs bon vouloir et les effets secondaires des traitements (par exemple, il est possible que le traitement qui aide mon TDAH accroisse mon anxiété, c’est le serpent qui se mord la queue).

Sensibiliser

Si je décide de faire cette publication aujourd’hui, c’est aussi pour sensibiliser à certaines choses. Le parcours diagnostic, l’errance médicale, les démarches administratives, l’organisation des soins sont une charge mentale constante dans la vie des personnes handies, ce n’est pas un simple détail de leur vie, c’est leur quotidien. Et régulièrement jauger son état psychique et/ou son état physique avant toute sortie ou interaction sociale, qu’elle soit douce, bienveillante, festive, ou pas, c’est une nouvelle charge, souvent frustrante et déprimante, quand on doit s’isoler pendant que ses proches font la fête.

Je vous laisse avec mon témoignage relatif à chacun de mes handicaps. Et je ne le répéterai jamais assez : au moindre doute, consultez et affirmez vos douleurs et vos souffrances. Vous avez le droit d’être écouté.e.s et vos problèmes ont le droit d’être reconnus, quels qu’ils soient.

Endométriose

Mon diagnostic d’endométriose est arrivé après 15 ans de douleurs qui se sont intensifiées sévèrement aux alentours de la quarantaine. La posture accroupie déclenche douleurs et fourmillements dans les jambes et la posture debout prolongée également, du fait de la gravité qui joue sur les ligaments atteints. La marche peut parfois aussi être difficile, alors que j’aimais randonner. Les douleurs ne me lâchent désormais jamais, me ceinturent et l’irradiation court jusqu’aux orteils en passant par les deux côtés des jambes. Rien n’éteint ces douleurs, ni les antidouleurs, ni les anxiolytiques, ni les antidépresseurs, ni la méditation, ni la relaxation, ni les séances énergétiques ou de bien-être et même si l’électrostimulation semble m’aider un peu lorsque je suis en crise, je garde toujours un fond de douleur sacrale. En permanence. J’attends de tester la kiné pelvienne pour retrouver de l’élasticité au niveau des tissus cicatriciels qui ont créé des adhérences avec d’autres organes.

Alors voici mes conseils concernant cette pathologie systémique (et pas uniquement gynécologique) : ce n’est pas normal d’avoir mal pendant les règles. Ceci m’a été confirmé par plusieurs personnes qui travaillent dans le milieu de la santé. Les règles peuvent être désagréables, mais ne doivent pas vous rendre malade. Si c’est le cas, consultez et insistez. J’ai dû demander chacun de mes examens, pourtant mes soignant.e.s sont bienveillant.e.s et à l’écoute, mais aucun.e d’entre elleux n’avait pensé à l’endométriose. C’est moi qui l’ai suggérée.

Mon second conseil : si vous avez un doute, tenez un journal de douleurs physiques et de souffrances psychiques. Cet outil pourra vous aider à identifier si vos problèmes reviennent de façon cyclique. Grâce à mon journal, j’ai gagné en confiance pendant mes rendez-vous médicaux et j’ai osé réclamer les examens nécessaires à l’exploration diagnostique. Alors, j’avoue, c’est souvent désagréable de lister sur le papier (ou comme ici de façon numérique) ses difficultés du quotidien, parce que c’est regarder en face ses souffrances et parfois se rendre compte de sa perte d’autonomie ou de la dégradation de sa santé. Pourtant, c’est aussi le premier pas vers la prise en charge médicale, puis vers l’acceptation, jusqu’à, je l’espère, une forme de résilience.

Lors de ma dernière consultation avec ma gynécologue, elle m’a clairement expliqué que l’endométriose se déclenche lors des premières règles et qu’elle agit comme un coup de soleil intérieur qui se répète à chaque cycle. Rien ne sera vu à l’imagerie avant plusieurs années et, malheureusement, ce ne sera pas toujours le cas avec le temps. Parfois, elle se dissimule terriblement.

De plus, il est fréquent que des atteintes modérées, comme la mienne, soient très douloureuses du fait de la proximité des autres organes et des nerfs localisés dans le bassin.

Lorsque le diagnostic est long à poser, le risque, au-delà des problèmes organiques qui s’étendent, c’est un dérèglement du système de régulation interne de la douleur. C’est mon cas. Mon cerveau est en état d’alerte constante et m’envoie un signal de douleur qui aurait pu ne pas exister. J’attends un retour du centre anti-douleurs pour pouvoir tester l’hypnose. Parce que le problème en Bretagne, c’est que chaque personne touchée doit se prendre en main pour constituer sa propre équipe pluridisciplinaire, pas toujours remboursée par la CPAM, alors que dans d’autres régions, il y des centres dédiés.

Ça c’est pour l’endométriose.

Trouble prémenstruel (dysphorie prémenstruelle)

Pour le trouble prémenstruel, chez moi, il commence souvent 10 jours avant les règles : douleurs et mal être profond (avec idées noires et envie d’autoagression ou de mettre fin à mes jours fréquentes), crise de colère, émotions exacerbées. Pour ma part, le psychiatre a noté sur le papier « trouble anxieux dépressif lié au cycle menstruel« .

10 jours de souffrance intense pendant lesquels, je m’accrochais à la vie de toutes mes forces. Puis 5 à 8 jours de règles et la fatigue qui va avec quand on est hyper carencée en fer et qu’on ne le fixe pas.

Sur un cycle de 25 jours, je vous laisse faire le calcul du nombre de jours où j’étais opérationnelle. Aujourd’hui, ce trouble est à peu près stabilisé avec la pilule imposée par l’endométriose pour éviter que cette-dernière ne progresse. Pourtant, je ressens encore les effets du cycle, même de façon modérée. La pilule n’empêche pas l’ovulation, il y a donc une fluctuation hormonale, même minime, qui subsiste et il a un impact sur mon psychisme. Il a commencé aujourd’hui, deux semaines après quelques pertes de sang, malgré la pilule. Hasard ? Je ne crois pas…

Là encore, mon outil pour le diagnostic a été mon journal. Il a pu révéler le côté cyclique du problème. J’ai repris ce journal il y a quelques semaines à cause de cette interrogation : la pilule entrave-t-elle réellement le trouble prémenstruel ?

Selon mon psychiatre, beaucoup de femmes seraient atteintes de ce trouble sans le savoir et, en conséquence, ne peuvent pas être aidée.

Rectocolite ulcéro-hémorragique (RCH)

La RCH, Maladie Inflammatoire Chronique des Intestins (MICI) très glamour (ironie) petite sœur de la maladie de Crohn, touche uniquement le colon et le rectum avec ulcérations, saignements, glaires, diarrhées et douleurs (il y a des pathologies liées qui peuvent également se déclarer). Pour cette dernière, j’ai beaucoup de chance, ma RCH s’est déclarée en 2009 et je n’ai fait que 2 poussées en 2009 et en 2018.

La dernière poussée, toutefois, m’a complètement lessivée pendant plusieurs mois, voire années. J’étais salariée d’une entreprise, en arrêt un mois et demi le temps que la maladie se stabilise, puis j’ai repris le travail et les symptômes se sont aggravés. J’ai refusé d’arrêter une nouvelle fois mon travail pour montrer que j’étais une combattante et que je pouvais tout gérer. Erreur monumentale.

La RCH, comme toutes les maladies inflammatoires chroniques, épuisent profondément le corps et par conséquent l’esprit. De plus, les saignements quotidiens pendant plusieurs semaines/mois vident de toute énergie et peuvent anémié le corps.

À la fin de chacune de mes poussées, une fois stabilisée, étant donné les effets secondaires importants dus aux différents traitements testés, j’ai choisi de suspendre la prise de médicaments pour récupérer un confort de vie que les traitements ne me permettaient pas. Je ne conseille ce choix à personne. J’ai pris un risque énorme de rechute et de résistance aux traitements en prenant deux fois ces décisions. Chaque cas est différent et ce qui fonctionne pour moi, ne fonctionnera peut-être pas pour vous.

Trouble du Déficit de l’Attention avec Hyperactivité et Trouble du Spectre de l’Autisme (TDAH et TSA)

Le fameux TDAH, diagnostiqué il y a 1 an. Donc 44 ans de masquage et de difficultés cognitives, de concentration, d’organisation, de planification (influencées aussi par l’état physique), émotionnelles, relationnelles et de l’hyperactivité essentiellement mentale dans mon cas du fait de mes soucis de santé qui m’épuisent, mais je dis souvent que personne ne me voit tapoter des orteils à l’intérieur de mes chaussures de rando. La Jessie adulte n’est pas la Jessie enfant qui courait partout et se mettait en danger facilement : j’ai eu beaucoup de chance de ne pas m’être fait renverser par un train sur les voies ferrées ou de tomber dans les pièges d’une ancienne fosse minière à charbon laissée à l’abandon lors de mes vadrouilles. J’ai eu la chance de ne jamais me briser aucun membre.

Par contre à l’école, c’était la catastrophe. Manque d’attention (orthographe exécrable), problèmes sociaux en continu, grosse difficulté à apprendre par cœur (c’est toujours le cas malgré les scènes ouvertes et scènes slam) et à me focaliser sur ce qui ne m’intéressait pas. Ma distractibilité est énorme : laissez un.e chat.te errer devant moi, emmenez-moi dans une bibliothèqu ou une librairie et, malgré tous mes efforts, vous n’existerez plus. Faites une balade en forêt avec moi, vous verrez à quel point toute la nature est source d’émerveillement et de déconnexion avec la réalité sociale, mais ça, c’est une autre histoire…

En novembre 2020, j’ai commencé à comprendre vraiment le problème lors d’une phase où je ne parvenais plus à lire (l’une de mes activités favorites, lorsque tout va bien, je peux passer 4 à 5 h par jour à lire et ça m’aide à m’équilibrer).

Le diagnostic a pris 4 ans du fait d’une grande difficulté à trouver des psychiatres spécialisé.e.s capables de poser un diagnostic et je sais que c’est encore le cas aujourd’hui pour beaucoup de proches en questionnement.

Le fait est qu’il y a encore quelques années, être adulte excluait le diagnostic de TDAH, parce que la psychiatrie considérait qu’à 18 ans, le TDAH disparaissait. De plus, les troubles neuro-développementaux, notamment le TDAH et le TSA, ont été classifiés à partir de critères détectés sur des personnes de sexe masculin. Et jusqu’à peu, l’un des diagnostics excluait l’autre, alors que la cooccurrence des deux troubles est fréquente.

Aujourd’hui, on sait aussi que l’éducation est genrée, ainsi que les conditionnements sociaux et sociétaux (Coucou la culture du viol – hors sujet, je sais, mais les agressions sexuelles sont plus fréquentes sur les personnes handies, alors la digression reste utile), mais la psychiatrie, en France, a encore du mal à bouger et à s’adapter aux outils d’évaluations modernes. Pendant longtemps, un diagnostic de TSA ou de TDAH équivalait à une mauvaise éducation ou à une mauvaise implication de la mère dans son lien à son enfant. La relation mère-enfant a été fortement mise à mal par la psychanalyse freudienne et cette-dernière a lourdement influencé négativement la vision des personnes portant un TSA ou un TDAH. (Coucou l’analyse freudienne du stimming – auto-stimulation sensorielle pour contrer, en autre, une surcharge sensorielle, émotionnelle, cognitive, relationnelle, sociale et l’anxiété qui en découle – comme un désir sexuel refoulé. Ouais, on en est parfois encore là et ça m’exaspère…)

L’augmentation des diagnostics de TSA et de TDAH vient de là. Ce n’est pas une mode. C’est une évolution de l’étude des troubles et des critères diagnostics en incluant tous les genres (et pas seulement la binarité homme/femme). L’expression des troubles neuro-développementaux dépend de l’environnement dans lequel on grandit et des conditionnements sociaux et sociétaux. Par exemple, un diagnostic de TSA adulte peut venir d’un masquage intensif, forcé, durant de l’enfance, jusqu’à ce qu’un épuisement (parfois un burn-out) survienne, que le masque s’effrite et que la personne se pose les questions sur qui elle est réellement et sur les raisons de sa souffrance.

Mes spécificités sensorielles et relationnelles, mon besoin d’isolement et de silence extrême, mon besoin de relation privilégiée en duo avec mes proches, laissent supposer un TSA, cependant, les critères du DSM-V, le manuel diagnostic de référence utilisé aujourd’hui, sont stricts, il faut qu’il y ait une continuité de l’enfance à l’adulte et… il me manque un critère dans l’enfance pour valider un TSA. Donc l’exploration va continuer pour inclure ou exclure le TSA dans mon profil déjà chargé, grâce au Centre Ressource Autisme (CRA). Délai d’attente : 2 ans. J’ai fait ma demande en août dernier. Résultat en août 2027.

Tout ce que je sais, c’est qu’aujourd’hui, si je commence peu à peu à voir une lueur au bout de ce tunnel de difficultés, c’est parce que j’applique à ma vie, les conseils offerts par les vulgarisateurices (Merci en particulier à Florence de Thérapie TSA – https://www.instagram.com/therapietsa?igsh=MTQ3eDV3a2hscHlhaQ== pour son travail quotidien extraordinaire : https://www.therapie-autisme.com/) pour mieux vivre un TSA et, demain, qu’on valide ou pas ce diagnostic ne changera pas ce constat : ma vie va mieux si j’applique les conseils donnés aux personnes autistes pour gérer l’anxiété, les saturations sensorielles (auditives, visuelles – avec nausées pour certaines couleurs fluos, olfactives et tactiles essentiellement chez moi), en limitant les sources de déclencheurs de crises, d’anxiété ou d’effondrement. Encore faut-il connaître ses propres déclencheurs, ce qui n’est pas encore mon cas.

Trouble Anxieux Généralisé (TAG)

Et pour finir par le TAG… lui, en tout cas la partie anxiété sociale du TAG, je me doute qu’elle n’est qu’une conséquence du reste, du masquage social des douleurs, des difficultés cognitives, sociales et sensorielles pour ne pas faire de vagues et déranger, et du fait que la société nous impose de paraître normal.e pour être inclus.e en son sein. Ajoutons à cela un profond mal-être social et sociétal et une inquiétude croissante pour l’avenir qui nous caractérise quasiment toustes. Un cocktail parfait pour plein plein plein plein de monde pour déclencher une belle anxiété.

Le handicap dérange. Le handicap est tabou.

Pourtant nous sommes des personnes qui se battent au quotidien pour essayer de travailler, de conserver son emploi, de créer au milieu des tumultes de nos vies, maladies et troubles ou de créer son propre emploi. Jongler avec les rendez-vous médicaux ou paramédicaux (2 cette semaine, 3 la semaine prochaine, 1 la semaine d’après, au minimum, et tous à plus de 30 km de chez moi), le travail, la famille et quand on peut les ami.e.s, ça laisse peu d’espace pour véritablement souffler, se reposer et aller véritablement mieux. Alors je savoure quand j’ai quelques jours vides : ils me permettent d’essayer de créer, de travailler, d’écrire.

Pour vous donner un exemple, à l’heure actuelle, pour récupérer d’une journée de salon littéraire ou de marché, j’ai besoin d’une journée calme la veille avant l’événement et de 2 jours minimum après l’événement, parfois 3. Et quand je dis calme, c’est de moments sans déclencheurs, dans le silence, avec un strict minimum d’interactions sociales dont j’ai besoin. Et pour ça, il n’y a que l’isolement qui est possible. Si je force, c’est le crash et l’effondrement assurés, malgré les traitements contre l’anxiété et toutes les astuces que j’ai apprises depuis des années (pleine conscience, méditation, relaxation, respiration, reiki, plantes…)

Alors, merci encore à celleux qui évoquent toutes ces solutions sur les médias sociaux, merci à ma psychologue et à mon psychiatre, iels m’ont permis de mieux comprendre mon fonctionnement et de commencer depuis seulement quelques semaines à ajuster ma vie dans ce sens.

Le bilan : encouragements, astuces et de sincères remerciements

En écrivant ces mots, j’ai pensé bien entendu et pense encore à toustes mes proches qui, chaque jour, souffrent dans leur corps et dans leur esprit et qui se battent au quotidien pour transcender leurs douleurs psychiques ou corporelles pour que vous ne soyez pas dérangé.e.s par leur mal-être, pour que vous ne voyez rien, pour garder leur emploi, pour garder un semblant d’équilibre familial et social, et qui en plus persiste à vous sourire et à vous accueillir malgré toutes leurs souffrances intérieures.

Le parcours pour faire reconnaître ses droits en tant que personne handicapée est long et fastidieux. La société ne nous aide pas. Les informations sont diffusées au compte goutte et il est parfois très difficile d’avoir la bonne information au bon moment.

Sachez qu’en Bretagne, il existe le CLIC https://www.ille-et-vilaine.fr/clic (pour l’Ille-et-Vilaine) qui peut vous aider à monter vos dossiers de demande d’aides à la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) telles que RQTH, AAH, PCH… Les personnes qui travaillent à Montauban-de-Bretagne et sur le territoire de Brocéliande m’ont beaucoup aidée, ainsi qu’une amie ancienne travailleuse sociale(🙏😘). Les formulaires sont souvent complexes à remplir et, dans mon cas, j’ai tendance à largement minimiser les difficultés liées à mes pathologies et troubles. Sans ces personnes, j’aurais été perdue dans l’enfer administratif. Leur aide a été salvatrice et m’ont permis d’obtenir une partie des aides dont j’avais besoin, alors je les remercie sincèrement. 🙏❤🌟🌷

Les personnes qui me soignent et me suivent, à savoir psychiatre, psychologue, gynécologue, généralistes, ostéopathe, kinésithérapeutes, masseuse (et plus encore), gastroentérologue, infirmière font également un travail remarquable et acceptent mes volontés de ne pas être dans l’hypermédication. J’aime que mon corps et que mon esprit puissent se reconstruire sans aide chimique, à l’aide uniquement de plantes, de méditation et de travail sur soi, mais ce n’est pas toujours possible.

J’en profite pour également remercier du fond du cœur les proches qui m’ont accompagnée ces 3 dernières années infernales, ma mère, ma sœur, mon ex-compagnon et meilleur ami aujourd’hui, mes deux sœurs de cœur, l’une brécilienne et brétilienne (et sa famille), l’autre née en terres brésiliennes (le lien d’une seule lettre différente était trop extraordinaire pour ne pas le mentionner). Sans ces personnes, et mes trois fauves, boules d’amour inconditionnel, quasiment au quotidien auprès de moi, que ce soit à distance ou en présentiel, j’aurais abandonné mon parcours de soin depuis longtemps et serais entrée dans une ère de décadence. Alors, je vous aime profondément et mon soutien vous est en retour indéfectible. À jamais.

J’ai une pensée de gratitude pour mes muses également, ces personnes qui traversent ma vie, parfois comme un éclair et disparaissent du jour au lendemain sans véritable raison, d’autres pour s’y implanter et rester durablement. Ma créativité me sauve la vie et, cette année, en plus des dédicaces, salons et marchés, il y a eu la découverte de la scène, des lectures publiques, du slam et de la poésie déclamée où j’ai proposé les textes de mon podcast, Le Jardin des Délices (www.jessiechevin.com/le-jardin-des-delices). Ces moments face au public m’ont permis de dépasser mon anxiété lors de brefs instants, d’oublier souffrances et douleurs, de faire des rencontres douces et bienveillantes et… les retours sur mon travail ont été incroyables. C’est précieux. 🙏❤🌟🌷

Voilà toutes les raisons qui font qu’on s’accroche, lorsqu’on traverse des difficultés : l’amour sous toutes ses formes, la reconnaissance de l’autre en tant que tel et surtout l’amour de soi, l’indulgence, l’auto-compassion et la bienveillance envers soi-même.

Merci à toustes pour votre présence.🙏❤🌟🌷

Prenez bien soin de vous, de votre santé physique et de votre santé mentale. Au moindre doute, consultez un.e médecin.e ou un.e spécialiste. Ne vous abandonnez pas. Vous n’êtes pas seul.e.s.

Et à toustes les proches aidant.e.s, du fond du cœur, encore merci ! 🙏❤🌟🌷

Nov 6, 2023 - Coups de gueule    No Comments

Interdire des mots est plus important que…

Monsieur le Président, 

Permettez-moi de vous adresser cette lettre ouverte et publique dans une langue que vous avez décidé de censurer, vous y retrouverez de doux mots dont vous souhaitez tant interdire l’usage. 

Non, le masculin n’est pas neutre. Il ne l’a jamais été, puisqu’il est masculin. Le neutre est neutre. Par essence. Mais je vous l’accorde, l’amalgame est facile, comme de réduire l’écriture inclusive aux simples points qui rendent, à vos yeux, si compliquée la lecture. Dans notre société patriarcale pyramidale, non, le masculin n’est pas neutre. Il est uniquement là pour asseoir sa domination de mâle sur le reste du peuple. 
Prenons l’exemple du mot « autrice », féminin historique du terme « auteur » que les académiciens du XVIIe siècle se sont fait une joie de faire disparaître au profit du seul masculin « auteur ». Il n’a jamais été question de neutralité là-dedans, mais bien de phagocyter une tranche de la population pour la faire disparaître. Sans parler des tranches déjà invisibilisées…

Alors que ces oppressé.e.s aujourd’hui décident de lever le poing (point ?) pour s’affirmer, vous hissez en étendard votre sacro-sainte neutralité masculine pour clore le bec à celleux qui vocalisent une vérité qui vous dérange : accepter et intégrer chaque être humain (et non pas l’Homme) dans sa globalité au sein de notre société (que j’aimerais tellement bienveillante). 

N’aviez-vous pas, Monsieur le Président, de sujet plus important à traiter que la langue française (n’en déplaise aux luttes sociales, climatiques et géopolitiques), au point d’en faire un discours ? Moi, la langue c’est mon gagne-pain, alors elle est ma priorité, mais vous ? Votre agenda diplomatique, dans ces moments si troubles, était vide au point de discourir pour soutenir une loi prônant l’exclusion d’une partie de votre peuple ? 

Pourquoi, Monsieur le Président, censurer l’évolution inclusive du français ? Vous choisissez même de soutenir l’interdiction de l’usage de certains mots. Souhaiteriez-vous nous plonger encore plus profondément dans une dystopie mondialement connue… B.B. is watching you… 
Parce que n’en déplaise à celleux qui souhaiteraient classer l’écriture inclusive dans la novlangue, il ne s’agit pas ici d’appauvrir le français en lui supprimant les termes non-essentiels, mais bien de l’enrichir de nos diversités à toustes. 

Censuré

Vous avez donc décidé de choisir, la limitation, l’exclusion plutôt que l’inclusion. 
Vous avez décidé de continuer d’invisibiliser les femmes, les personnes transgenres, non-binaires, intersexes, agenres, neutres… oui exit de la langue « iel » et « celleux ». 

Et donc nous, ouvrier.e.s de la langue, qu’allons-nous risquer, nous, simples auteurices (vous avez vu, le mot est neutre et il n’y a pas points dedans, waouuuuh), lorsque notre audace nous poussera à commettre l’irréparable et d’indiquer, en parlant des invités à une certaine réception au château de Versailles qu' »Iels dégustent leur caviar avec des couverts en argent, tandis qu’à leurs pieds, celleux qui ont payé pour ce repas somptuaire se contentent d’une soupe rallongée à l’eau, parce qu’iels n’ont pas de quoi finir le mois. » Ben oui, vous savez bien, les taxes, les loyers, l’essence, la bectance, c’est de plus en plus cher tout ça. Enfin… pas pour tout le monde.

Je vois des suées lécher votre front Monsieur Macron. 
Serait-ce le terme « somptuaire » qui vous provoque des palpitations ? Ou serait-ce le sang versé par les personnes qui ont construit les bâtiments pour la coupe du monde de foot au Qatar ? Ou ces otages toujours emprisonné.e.s ? Ou ces bombes lâchées sur des civil.e.s ? On laisse faire… 
Cette opulence royale permise, alors qu’on interdit des mots, qu’on massacre, qu’on tue, qu’on viole la vie… oui, on interdit des mots alors que la bêtise est vociférée quotidiennement dans les médias, la bêtise, la vulgarité, la violence, les insultes, la culture du viol… tout ça, on laisse faire. Tabasser des faiseurs de paix, on laisse faire. Et on fait une loi pour interdire des mots… 

Monsieur le Président, je suis dépitée, désespérée de la condition humaine et encore plus de nos dirigeant.e.s, tel.le.s que vous, qui préfèrent prendre la parole sur l’utilisation de mots doux et soutenir la loi qui les interdit… Quand je vois l’horreur qui se déchaîne aux quatre coins du monde et l’indifférence de celleux qui nous dirigent, je me dis que je n’appartiens pas à la même espèce que vous… je ne vous cache pas que ma déprime s’accroît à mesure que le temps passe au point que je vois plus d’issue…

Mais ces mots, eux, ceux dont vous souhaitez interdire l’utilisation, étaient encore plus dangereux que l’horreur à laquelle nous assistons chaque jour. Ils méritaient d’être censurés parce qu’Ils surprennent l’âme et la transforment : ils apportent de l’amour à celleux auxquel.les vous ne réservez que mépris. Alors ils étaient dangereux, ces mots… 

Saviez-vous qu’une langue évolue à travers le temps. Apprenez-le, faites de la phonétique historique et n’hésitez pas à rouler les -r comme il se faisait autrefois… au temps de… 

Aujourd’hui, plus que jamais, utiliser le français inclusif est donc devenu un acte politique, un acte de rébellion. Alors je souris parce qu’il n’a jamais été aussi facile de se rebeller :
Iel, iels, iel, iels, iel, iels… moi, ce mot me donne des ailes. 

Alors, cher Monsieur Macron, aux noms de toustes celleux qui se sont battu.e.s pour que leur identité, leur intégrité soit respectée, leur genre, leur sexe, je continuerai d’utiliser l’écriture inclusive qui prône pour moi une ouverture d’esprit (que vous n’avez donc pas, excusez cette aparté déplacée) et accepte chacun.e d’entre nous tel.le qu’iel est dans toute son intégrité et intégralité. 

L’écriture inclusive est la seule façon de parler un français qui englobe toutes les individualités, sans exception qui confirme la règle, évidemment, ça nous changera un peu… 

La plume est donc toujours plus puissante que l’épée… 

Une autrice bien triste de voir sa langue censurée.

Jessie A. CHEVIN 

P.S. : Avouez-le, cette lettre ne vous a pas fait saigner les yeux.

Août 25, 2023 - livres    No Comments

Balancez les noms de vos romans feel good préférés !

Allez, tout est dans le titre !
Je sors d’une période d’émulation assez intense émotionnellement (cf. l’article Coups de foudre d’écriture chapitre 1 : Rodrigue/Intenable et chapitre 2 : Apes O’Clock).
Insomnie, écriture, insomnie, écriture, etc. Comment fait-on pour dormir déjà ? Et pour marcher ? Merde, faut nourrir les Seigneurs-Chats avant qu’ils s’entre-dévorent… Comment ça un nouveau chat a débarqué ? Comment ça c’est une Dame-Impératrice-Féline ? Quoi le ménage ? La vaisselle ? La peinture ? Oooh on verra ça plus tard, t’inquiète !

Mon cerveau a dit stop et sature tout autant qu’en début d’année. Alors, j’ai laissé la couette me happer et celle-ci ne veut plus me lâcher. Alors entre dodo, méditations, yoga, dodo, insomnies, écriture (un poil, il faut bien), dodo… je lis des romans feel good qui reposent mon cerveau et font du bien (tout est relatif) à mon petit cœur. Mais promis je me rattrape bientôt avec Corine Sombrun, Mon initiation chez les chamanes – Une Parisienne en Mongolie, Ovidie, La chair est triste, hélas ! et Noémie Delattre, Journal de mon cul et de mon cœur que j’ai délaissé depuis le mois de mai…

Saturation cognitive = respecter son rythme

Mon esprit en compote m’a donc orientée vers des lectures simples et qui sont autant de baumes pour les cœurs brisés et les esprits fatigués. Alors oui, c’est sûr, il y a souvent de sacrés poncifs, des évidences qu’on aimerait ne pas relire, ne pas revoir autant, mais je pense qu’il est malheureusement nécessaire de répéter les bonnes choses et les choses les plus évidentes pour qu’elles puissent rentrer dans les caboches. Du type :

  • agir avec amour est plus puissant qu’agir avec peur,
  • prendre le temps de respirer et contempler,
  • s’émerveiller,
  • s’ouvrir à ses désirs profonds, ceux qui animent l’âme et qu’on refoule.

Lire du feel good, parfois, c’est se réorienter vers soi, s’offrir un cocon de douceurs moelleuses et savoureuses pour se reconstruire. C’est apaiser un cerveau trop agité et passer un baume chaleureux sur un cœur brisé. C’est canaliser un esprit exalté à l’excès. C’est retrouver peu à peu ses mécanismes de réflexions pour offrir un sourire sarcastique aux réflexes archaïques qui se mettent en place actuellement dans nos sociétés capitalistes à bout de souffle.

La BD en réponse à l’agitation mentale

En général, maintenant que je connais le fonctionnement de mon esprit dissipé, je sais que pour revenir à mes amours littéraires, je dois d’abord passer par la case BD (entendez la BD au sens global de livres qui mêlent images et textes et qui va de la bande dessinée franco-belge aux romans graphiques et comics en passant par les mangas et les albums jeunesse).
Cependant, en juin-juillet je n’ai pas lu énormément et la BD n’a pas été mon refuge. J’ai uniquement parcouru Les Gueules Noires de Domon et Zampano.
Récit à propos de la création d’une équipe de foot sur un ancien puits de mine et qui ressoude tout un quartier face à une entreprise qui veut démolir le lieu pour y construire une rocade. L’histoire, imprégnée de revendications sociales, m’a rapidement emportée, bien que je n’aie pas adhéré au graphisme du livre. La thématique de la lutte contre l’oppression présente dans cette lecture me donne envie de me replonger dans la série Les Vieux Fourneaux de Lupano et Cauuet ❤.

Seconde étape de récupération des facultés de concentration : les romans

J’ai d’abord été un poil (euphémisme) déçue par La Chambre des merveilles de Julien Sandrel qui est ponctué de clichés sur les femmes, ça m’a hérissé les poils que je tente d’arborer fièrement. La vie est trop courte pour s’épiler la… (clin d’œil à Malice)
L’histoire est mignonne, touchante, mais j’ai presque honte (mon âme littéraire se tord) de dire ça : j’ai préféré le film… oui, il a plus d’énergie, d’émotions que le bouquin. Sans vouloir tomber dans la caricature binaire féministe, ça se sent que le livre est écrit par un homme cis-genre blanc… et c’est bien dommage pour un roman de ce type.

Puis, je suis passée à Respire de Maud Ankaoua. Elle m’avait conquise avec Kilomètre Zéro et celui-ci est dans la même veine. J’ai respiré en lisant ce roman et c’est exactement l’effet que je lui demandais. Bon, j’avoue, je ne me souviens plus du tout de la trame. C’est un de mes défauts, j’oublie un livre dès que je l’ai terminé. Si je vous dis que je me souviens uniquement que le personnage central du roman est un homme et… et c’est tout en fait, vous me croyez ? J’ai du relire la quatrième de couverture pour me remettre l’histoire en tête.
Et donc, sans vous dévoiler la trame, Respire est un roman qui invite à profiter de chaque instant comme s’il était le dernier, à embrasser sa vie pleinement, à ressentir ses émotions et à identifier ses besoins, à vivre en toute authenticité en apprenant à s’apprivoiser, dans la générosité et la bienveillance.

Entre deux feel good, je me suis arrêtée sur La Cicatrice de Bruce Lowery, que je voulais lire depuis très longtemps. Il s’agit ici d’un roman sur les turpitudes de l’enfance, sur la différence, sur la discrimination et le harcèlement scolaire. C’est un petit roman dur, mais très émouvant. Les personnages (enfants pour la majorité) sont emprunts d’une justesse à couper le souffle. Il est, je pense, dans la veine de La Guerre des Boutons et autres livres de ce type.

Pour finir juillet en beauté, le tour est venu du roman Les Mémoires d’un chat de Hiro Arikawa. Mon coup de cœur. J’aime le côté méditatif du road trip japonais avec le matou embarqué. C’est doux, c’est mignon. Seul bémol, mon esprit usé à du mal à saisir quand c’est un narrateur humain ou le chat qui raconte. Un petit effet de typo aurait allégé ma charge de lecture. 😉
Même si une partie est si triste que j’en ai versé des larmes qui nettoient l’âme à n’en plus finir, j’ai beaucoup aimé ce roman ponctué d’amitié, de chaleur humaine, de taquineries félines, de douceurs et d’explorations du Japon. Il ne faut donc pas avoir peur de se confronter à ses émotions pour se laisser nettoyer en profondeur. C’est une lecture qui dorlote les âmes endeuillées.

Et là, je viens d’entamer (et presque terminé) le sardonique (pour le moment) Un jour de David Nicholls qui cisèle les relations amoureuses comme on affute le fil d’une lame émoussée. Les deux protagonistes amoureux sont touchants de réalisme dans leur impossibilité à se retrouver au fil des années, dans le tumulte des rencontres qui ponctuent leur amitié amoureuse. Pour l’instant, c’est un bon feel good de type comédie romantique. Mon cœur tout mou se laisse bercer par les tempêtes triviales qui touchent les deux protagonistes… Par contre… tout se passe un 15 juillet (wtf! Pourquoi encore cette date ?) !

Blob, mon amour…

J’ai profité de ce temps pour également terminé l’excellentissime… ovni de la littérature Moi le blob, de ma rock star préférée Audrey Dussutour (non, elle ne fait pas de musique, quoique… le blob est tellement surprenant qu’il est capable de composer de la musique. Vous ne me croyez pas ? Fouillez !😅) et illustré par Simon Bailli. J’avoue que je ne sais pas dans quelle case ranger ce livre. On est à la croisée des chemins du comics/roman graphique de vulgarisation scientifique, du reportage journalistique, du journal et du manuel de cuisine… oups d’expériences scientifiques. Largement documenté (normal, l’autrice, directrice de recherches au CNRS, est également la spécialiste française du blob), cet ouvrage vous embarque dans l’histoire du blob, racontée par lui-même. Un régal que j’ai dégusté pendant plusieurs mois pour nourrir le tome 2 des Aventures d’Augustine Baudelaire qui tarde à émergé de mon esprit embrumé (le tumulte de la vie, tout ça tout ça).

Pour le mois d’août, je me suis sorti L’année du singe de Patti Smith et un ami m’a offert La Papeterie Tsubaki d’Ogawa Ito, après une discussion sur les romans feel good justement. J’ai hâte de parcourir les pages de ces derniers. Je sens que la qualité littéraire sera au rendez-vous et qu’on va monter d’un pallier au niveau stylistique.

Et vous, c’est quoi vos lectures feel good de l’été ?

Août 2, 2023 - Coups de coeur    No Comments

Coup de foudre d’écritures – Chapitre 2 : Apes O’Clock, À L’Aube du tumulte

Pour nommer cet article, j’ai longuement hésité entre coup de foudre d’écriture ou coup de foudre artistique tant l’univers d’Apes O’Clock (AOC) dépasse tellement leurs mots. Il est tellement plus riche qu’un simple exercice littéraire que je ne voulais pas me cantonner à une dithyrambique déclaration d’amour à leurs textes. Oui, les plumes des grands singes sont des merveilles à chérir, mais j’ai ressenti le besoin d’aller creuser un peu plus loin que la technicité de leurs verbes acérés…

Chanteur et bassiste à Brest le 18 juin 2023
« We accept you one of us« 

Et puis, je me suis rappelé que je ne suis pas musicienne, que je n’officie qu’avec plumes et pinceaux, alors pourquoi tergiverser ? Parlons écritures, imaginaires, sources d’inspiration et révolte. Approchez, soyez les bienvenu.e.s dans l’univers d’une richesse incontestable des tumultueux dandys punk d’Apes O’Clock. Ça tombe bien, ils viennent de sortir un deuxième album. 🦍

Les deux chanteurs envoûtant le public, Brest le 18 juin 2023
« Voodoo Queen, mon amour…« 

À L’Aube du tumulte

Dans la continuité de leur premier album Le spectacle continue (2019), ce second opus, À L’Aube du tumulte, explore la vanité de l’humanité, ses travers, ses vices, ses massacres, l’effondrement d’un système voué à l’échec. Le tout pourrait offrir un rendu dépressif à souhait si les artistes n’avaient pas teinté d’un son énergique et entraînant leurs textes, rendant le tout festif et dansant. Envolées par une musique percutante aux arrangements qui induisent un soupçon de féerie obscure et mystérieuse, les paroles sombres, révoltées, véhémentes semblent beaucoup plus lumineuses et légères à l’oreille. Voilà déjà une mise en garde sur les apparences trompeuses qui parfument le cabaret désenchanté d’Apes O’Clock. La recette est bien plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord et au-delà de la révolte, c’est bien là, pour moi, la thématique de leur univers : ne pas se fier aux apparences. 

Les deux chanteurs à Brest le 18 juin 2023
Un moment de calme…

Une révolte sourde, un cocktail détonnant

Entends-tu la clameur des foules qui s’éveillent ?
Entends-tu le murmure des esclaves qui se révoltent ?
Entends-tu la rumeur des bêtes qui se soulèvent ?
Entends-tu le pas tonitruant de la Marge franchir le seuil de la société ?
Entends-tu le bourdonnement du tumulte qui souffle sur nos vies ?
C’est celui de notre Terre qui saigne et agonise… 

Section cuivre du groupe à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
La tumultueuse section cuivre

Apes O’Clock, c’est pour moi une réminiscence de mes amours adolescentes, un cocktail savoureux des musiques de mes années 90 (pour faire une moyenne)…
Prenez la fougue et l’énergie de Silmarils, le cabaret punk des Dresden Dolls (cherchez l’intrus des 90’s), le flow percutant d’Assassin, la révolte incisive des Béruriers Noirs (oups encore un intrus).
Saupoudrez le tout, mais avec parcimonie, de la folie épicée des Tétines Noires 🖤 (rappelez-vous ce groupe déjanté mené par le chanteur Emmanuel Hubaut dont le pied de micro est le plasticien Made in Eric, nu ; d’ailleurs il expose, avec d’autres artistes, à la galerie Fab Lab, à Paris en ce moment – Le langage du corps – Collection agnès b. 9 juin au 22 octobre 2023).
Distillez ces saveurs dans un alambic ancestral.
Brassez avec vos convictions profondes anti-oppressions, vos revendications sociales et sociétales.
Ajoutez une pincée de désespoir climatique et de hurlement bestial.
Laissez fermenter quelques mois dans des ténèbres abyssales et vous recevrez dans votre boîte aux lettres la nouvelle décoction foudroyante proposée par les tempétueux primates rennais d’Apes O’Clock et qui fait Boum Baff dans ta face ! C’était comment déjà ? Ah oui :
« On veut du boum baff, du son qui décrasse
Du boum baff, qui te secoue la carcasse
On veut du boum baff, un refrain tenace
Qui tape dans ta tête, qui fait boum dans ta face »*
Mission accomplie ! 

Embrasser sa part d’obscurité

Commençons par découvrir la Marge, la couche licencieuse de la société. Franchirez-vous son pas pour effleurer la noirceur des bas-fonds ? C’est comme pénétrer l’enfer d’une bibliothèque, tout peut arriver. Êtes-vous prêt.e.s ? 

Le Cabotin en concert - Pont-Scorff - Festival Saumon le 9 juillet 2023.
Lorsque Le Cabotin ôte son masque, sa personnalité se dédouble
La cour des miracles

Ne vous laissez pas séduire par ses faux airs d’Arsène Lupin, Le Cabotin, bien que charmant, n’est pas là pour résoudre les mystères de l’Histoire de France en offrant des fleurs aux femmes qu’il séduit sur sa route. La même arrogance se cache derrière ses traits, le même panache, la même sagacité, la même aversion pour la pudibonde bourgeoisie. Certes.

Mais ce Cabotin à la lame aussi affûtée que son verbe semble plutôt tout droit sorti d’un conte de Charles Dickens ou du roman Les Misérables de Victor Hugo (dont Le Cabotin partage le patronyme) plutôt que de l’imaginaire de Maurice Leblanc. Il est prêt à vous poignarder dans le dos, sans aucun doute. Personnage sillonnant les rues, à la marge de la société, il pourrait sévir du côté de Whitechapel et s’allier à Hans Peter Von Barrik pour fomenter des plans de domination du monde capitaliste pour le faire chuter. Des têtes vont sauter… 

Photo en concert du deuxième chanteur d'Apes O'Clock à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
Quelle facette du Cabotin êtes-vous prêt.e.s à rencontrer ?

D’ailleurs, en parlant de ce cher Hans Peter Von Barrik, cet ingénieux savant alchimiste qui mélange les saveurs sensuelles et éthyliques, qui concocte des breuvages liquoreux pour éveiller vos papilles et endormir vos pupilles, il y a chez lui, le nez de Jean-Baptiste Grenouille et la folie perverse des droogies d’Orange Mécanique. Autant de personnages dont je préférerais éviter les chemins. Il n’est pas bon pour le quidam de croiser le passage de la Marge. C’est comme croiser celle d’une chasse sauvage, la rencontre est bien souvent fatale… pourtant, ces personnalités réveillent les pulsions animales qui sommeillent en chacun de nous et nous étirent presque un sourire sardonique qui ferait pâlir celui de G.N.A.R.K.

Hans Peter Von Barrik en concert - à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
L’alchimiste des saveurs éthyliques et sensuelles vous accueille dans son antre…
Freaks, la monstrueuse parade

La musique qui propulse les vers de Hans Peter Von Barrik est teintée du lyrisme des cuivres et nous emporte dans les draps de tous ces freaks, dissimulées à la lisière de la société, qui déboulent de L’Entresort d’AOC et paradent pour nous faire frissonner par leurs différences. Entrez M’sieurs, Dames, Miz, Transgenres, Agenres, Neutres et Non-Binaires, entrez tel.le.s que vous êtes, gooba gabba, gooble gobble, we accept you…

Bassiste en transe, Brest, 18 juin 2023
Un peu de basse funky…

Moi, ce titre me rappelle « Freaks » des Tétines Noires et le film du même nom de Tod Browning avec l’incroyable Schlitzie ! Rappelez-vous ce film… Même X-Files lui rend hommage dans la saison 2 grâce aux performances des artistes du Jim Rose’s Circus.
Et tout ce qui touche à cet univers de foire aux monstres me séduit depuis des lustres… peut-être parce que je me suis toujours sentie hors de ce monde.
Le public trépigne, mais doit bien se tenir, la parade est là… et elle déploie ses ailes de géante qui ne l’empêchent pas de marcher. Elle s’affirme. Et gare à celle/celui qui cherche à duper le monstre, rappelez-vous comment finit l’acrobate Cléopâtre… 

Guitariste en mode percussif à côté du batteur, à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
Percussions sur le titre Rouge

Les titres Ocieux, je suis et Odieux, je nuis concluent l’album comme les deux facettes d’une même pièce jetée de façon désinvolte à un gredin (pour faire soft) déguisé en mendiant. L’ode à l’oisiveté du jour et l’ode à la bestialité de la nuit enrobées de la délicatesse d’une plume sensuelle.

À l’image du personnage double de Robert Louis Stevenson, à l’image aussi de la binarité de la société ambiante, ces deux morceaux sont comme un appel à embrasser sa part obscure pour définitivement être soi et s’exposer au monde tout en authenticité. Il n’y a pas d’obscurité sans lumière et… inversement. 

Je me délecte des textes. Deux titres aux vers complexes et magistralement interprétés, je suis subjuguée par le flow du chanteur dont la langue ne fourche pas en live. 

En fond de scène, le trompettiste et le guitariste s'adonnent à un moment musical intime à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
Moment intimiste entre le trompettiste et le guitariste

Diptyque (j’ai pas dit dytique) qui n’est pas sans rappeler le titre qui ouvre ce second album : Kong. Qui est le King ? Qui est le Kong ? Qui renversera la fange qui domine le monde ? Ce titre s’inspire de l’imagerie du célèbre singe géant (sur l’album, l’image du singe est présente dans 4 morceaux sur 11 si je ne me trompe pas) pour questionner sur la réelle place de roi dans nos sociétés. Qui est en haut du building ? Qui nous assiège ? Qui tombera ? En prime, le morceau offre une tonitruante ouverture à l’album ! Allez ! Boum baff ! Dans ta face ! 

Guitariste et trompettiste affublés d'un masque de gorille pour l'interprétation du morceau Kong Brest, les beaux dimanches, 18 juin 2023
« We are Kong !« 

Un imaginaire révolté

Des contes de fée pour croquer la société…

La Marge croise aussi parfois le chemin des contes de fée. C’est ainsi qu’ils étaient autrefois contés. C’est ainsi que les ancêtres prévenaient les enfants des dangers de la vie. C’est ainsi que s’effondre le conte de fée des États capitalistes dévorant la substance, l’essence du Vivant pour faire miroiter une vie meilleure sur les ruines d’un monde qui s’effondre… Il était une fois les ruines d’une société qui s’était dévorée elle-même… Les cendres d’une dernière orgie gargantuesque se dispersent dans le vent sous les yeux de la populace enivrée par le mythe de la croissance infinie, avide de posséder, flouée par les mensonges de voleurs patentés.
Quitte à faire un lien avec un autre titre : « Aux douleurs qui résonnent, l’homme avide reste sourd »**… 

Deuxième chanteur et guitariste à Brest 18 juin 2023
« on l’a bouffée comme un p’tit snack »

Ici, si je devais analyser le texte, comme à la bonne époque des commentaires composés (oh je suis sûre que ça vous manque), je mentionnerais que les champs lexicaux littéraires du conte de fée et de l’opulente bectance sont goulument exploités. 
Un morceau succulent à déguster du bout des lèvres, pour en savourer la saveur sur la langue, à s’en faire pétiller les papilles. Diantre, il titille le palais.

Couverture de l'album À L'Aube du tumulte du groupe Apes O'Clock
Couverture du deuxième album d’Apes O’Clock signée Simon Douchy

Petite aparté sur le clip proposé pour Il était une fois que je trouve graphiquement classe et efficace. Tout en silhouette 2D. L’image sert la musique et les paroles. Juste parfait.
Tout comme le graphisme de l’album, signé Simon Douchy, qui sert l’ambiance musicale. Tout est bien pensé, soigné. Les grands singes sont mis à l’honneur et le groupe œuvre pour le roi Kong qui trône sur son siège de géant. 

Tromboniste du groupe
Climate justice!

Et dans la continuité de la destruction de notre environnement, je vous présente le titre Faux Frères, lettre du dernier primate à son cousin Homo sapiens sapiens… celui qui est dit intelligent, celui de l’anthropocène, celui qui détruit et oublie qu’il est lui-même une facette du Vivant, qu’il fait partie de lui et qu’il n’est pas meilleur. Juste un grain de sable parmi d’autres. Si petit, si insignifiant et pourtant si destructeur… quelle bonne idée ce titre ! Quelle bonne idée d’exprimer la détresse du monde animal par cette missive éplorée ! Mon cœur se brise par empathie pour ce dernier primate à la plume désespérée. 

Le batteur, Brest, 18 juin 2023
Un rythme endiablé
Ridiculiser l’oppresseur

G.N.A.R.K. et Get it se moquent des oppresseurs représentés d’un côté par les gouvernants à la solde du capitalisme et de l’autre par le chien du gardien du zoo, personnifiant la bassesse de son maître, et ce maître encore plus dominant que le cabot. Des deux côtés, il est question de tourner en ridicule les symboles d’oppression de nos sociétés occidentales qui nous acculent, nous étouffent, nous détruisent. En musique, les opprimés pourront-ils se libérer de l’oppression ? Et comment ne pas avoir le palpitant qui se déchire d’entendre l’oppresseur-chien lui-même opprimé par l’oppresseur-gardien bien plus dominant que lui, alors que le canidé, inspiré par la danse du primate, souhaite se libérer de cette dynamique maître/esclave… sans succès. La pyramide d’oppression s’établit en fonction de la puissance de l’être… encore et toujours… quelle que soit la strate de la société à laquelle on appartient. 
Et pour parler technique, ici aussi, mon âme de poétesse s’embrase pour les différentes allitérations qui ponctuent le texte et rythment la diction des deux chanteurs. Un régal. 

Deuxième Chanteur du groupe, Brest le 18 juin 2023
Se moquer des oppresseurs
La hargne des Bérus

Le morceau Le Temps des récoltes fontionne en miroir avec La Mauvaise graine (issu du premier EP #1 From Jungle to Downtown – 2015). Les titres se répondent avec près de 8 ans d’écart avec une ambiance similaire. La graine semée a germé, a crû. La composition musicale et la hargne du texte évoquent toujours celles des Béruriers Noirs, à la fin des années 80… 

En 1789, les aristos sont tombés pour que les bourgeois prennent leur place. En 1989, l’Olympia. Porcherie, Petite agitée… Rappelez-vous « plus jamais de 20 % ». Triste monde raciste. Shame on my people. À chaque élection, des larmes de déception. 

Guitariste à la banière
Le temps des récoltes

L’ambiance sociétale demeure la même (s’empire !) et ces titres fouillent les révoltes silencieuses qui nous habitent et qui grondent jusqu’à nous dévorer. L’escalade de la violence contemporaine promet un bain de sang similaire à celui de la Révolution et qui semble de plus en plus inévitable. Ami.e sens-tu la Terre trembler ? C’est les prémices de l’éruption d’un volcan contenu, compressé, opprimé depuis des dizaines d’années.
Ce n’est pas pour rien qu’un groupe comme Silmarils fait son revival ces derniers temps ; ces gars-là manquaient indubitablement à la scène rock française. 

Deuxième chanteur, Pont-Scorff, le 9 juillet 2023
« Aux douleurs qui résonnent, l’homme avide reste sourd »

Et pour parler musique…

Un jeu de calques astucieux

Énorme coup de cœur pour les arrangements subtils, le travail des chœurs qui donne une sacrée profondeur de champs, ainsi que pour les enchaînements créatifs entre les chansons qui donnent des bouffées d’oxygène à l’ensemble de ces 11 titres denses ! Ce jeu de calques offre à l’album diverses strates qui se superposent et à effeuiller pour s’immerger dans le monde simiesque des Rennais. On parcourt À L’Aube du tumulte comme une foire de monstres et les délicates transitions sont d’une fluidité enivrante au point où j’aimerais que la visite ne se termine jamais, la porte d’un nouveau chapiteau est à portée de main… mais 45 minutes, c’est déjà un bel et long album. Alors savourons ce que l’on a avant d’en réclamer davantage. 

Le trompettiste aux chœurs
Un peu de douceur…

Un ovni musical 

Bien que ponctué d’un lyrisme littéraire indéniable, l’univers du groupe ne dépasse pas les limites de l’exubérance excessive. Chaque titre a sa propre personnalité, sa propre orientation musicale. Des breaks bien placés, de la douceur là où il faut, du gros son de guitare heavy lorsque c’est nécessaire, une basse funky, un batteur qui fournit un rythme qui sent parfois le soufre et des cuivres qui énergisent le tout. Apes O’Clock construit un véritable entresort sonore qui les place dans le rayon des groupes inclassables, à la marge de l’industrie musicale, comme Les Tétines Noires, The Dresden Dolls

Et moi j’aime sans limites ces Ovnis qui osent… 

Apes O’Clock est donc pour moi un énorme coup de foudre artistique qui nourrira mon imaginaire pendant des lustres indénombrables sacrifiés sur l’autel de la créativité (on en reparle dans un épisode Hors Série sur Le Jardin des Délices pour la Samain le 31 octobre, en autres). 

Chanteur leader à Brest le 18 juin 2023
Un ovni musical…

Et en live ça donne quoi ?

Qu’elle soit étroite ou spacieuse, la scène est leur demeure et les planches brûlent sous leur poésie percutante et audacieuse. Ma première vraie expérience avec AOC date d’il y a un an, aux mardis de Maxent (35), en plein mois d’août. Il paraîtrait que je les ai déjà vus, plusieurs années plus tôt en mode déambulation au même endroit, mais pardonnez mon esprit encombré des vapeurs d’un traitement soporifique, je n’ai de ce concert aucun véritable souvenir, à part l’image d’une fanfare sympathique. 🙈🙉🙊

Tromboniste, saxophoniste et trompettiste du groupe, Brest le 18 juin 2023
« La section cuivre la plus sexy de tout le grand-ouest…« 

Et donc, en août 2022, je me prends une claque d’enfer et peine de ma timidité exemplaire à remercier le groupe de sa performance à la fin du concert… Depuis, je les ai revus plusieurs fois et à chaque date, la même énergie émulatrice s’empare de ma créativité. 

Forts d’un nouveau spectacle d’1h30 travaillé en résidence au printemps dernier, les trublions simiesques vous ouvrent les portes d’un cabaret fantastiquement farfelu. La fougue des deux chanteurs est communicative. Ils se font ambianceurs et n’ont pas peur d’aller à la rencontre du public, qui peut parfois paraître hésitant, pour enivrer les spectateurs de leur verbe cinglant. Mention spéciale pour les cuivres qui enrobent le tout de la suave chaleur du Bayou (Marie Laveau, Voodoo Queen forever ❤).

Guitariste et deuxième chanteur à l'harmonica - à Pont-Scorff au Festival Saumon le 9 juillet 2023.
Apes O’Clock vous emmène dans le Bayou à la rencontre de Marie Laveau

Chaque membre du groupe a un charisme détonnant et l’interprétation de chaque morceau est ciselée (j’allais dire à la perfection, mais on va encore m’appeler dithyrambe). Et vous voilà, pour le restant de l’éternité, envoûté.e.s. Sautez sur l’occasion de les voir en concert, le cocktail est savoureux et vous serez charmé.e.s par ces sorciers sortis d’une autre réalité. 

Allez, on se rejoint de l’autre côté du rideau, le spectacle y continue… ✊

Salit final à Brest le 18 juin 2023
Le spectacle continue…

« Tous aux barricades
Barrons le droit chemin
Fini de suivre dociles
On n’est pas des pantins
Tous aux barricades
Mauvaise graine en chemin
D’autres routes sont possibles
Marchons vers demain »
« La Mauvaise Graine », EP #1 From Jungle to downtown, 2015 

Dates des prochains concerts
Apes O’Clock est à retrouver sur scène

Informations complémentaires (non exhaustives) 

  • * « Boum Baff », Le spectacle continue, 2019
  • ** « Get it », À L’Aube du tumulte, 2023

Sitographie

Discographie

Clips

Live sessions

Pour aller plus loin…

Album, stickers, badges et poster du deuxième album
Package déballé du financement participatif du deuxième album
Avr 10, 2023 - Coups de coeur    No Comments

Coups de foudre d’écritures – Chapitre 1 : Rodrigue, À Fuck toute, À Love toute/Nouvelles de l’Entre-Mondes et Intenable, Envier les Vivants

Namaste les Dévoreureuses de Mondes,
Coups de foudre d’écritures… Non, il ne s’agit pas là d’écritures saintes, même si, bien évidemment, on pourrait considérer l’acte de créer, quel que soit l’art, comme un acte lié à la divinité et au sacré. Le nombre d’interrogations qui peuvent exister sur la muse, l’inspiration, le puits à créativité commun montrent que de tout temps, la créativité, l’art a intrigué l’être humain. Mais je m’égare, comme d’habitude.

Il est des écritures qui génèrent l’émulation, l’envie d’une bataille de plumes… Je vous partage ici, deux plumes (Rodrigue, Intenable) qui m’ont mise en mouvement, dans un moment où je m’effondrais et m’éloignais de moi-même. Je pense que le fait que ce soit l’écriture de musiciens qui m’interpelle vient du fait qu’en chanson, on se doit d’être précis et direct (encore plus dans le punk où rares sont les morceaux qui dépassent 3 min/3 min 30). Souvent les textes sont courts, avec peu de mots vous devez offrir du sens, un morceau d’âme. Et c’est une écriture qui me fait défaut aujourd’hui. Même pour le Jardin des Délices. Ma plume divague, digresse.

L’émulation : quand les plumes me remuent et me remplument

J’avais besoin d’un coup de foudre (oubliez le sens amoureux du terme, je parle d’électrisation, d’électrochoc et de l’émulation, chère à mon âme, qui en découle) pour me remettre en selle, ça ne change pas. C’est peut-être la soif de dopamine qui m’appelle ou les retrouvailles avec un Idéal. Peu importe. Et, selon les époques, le style d’écriture qui me percute est différent. Je vous parle de quelque chose d’assez intime et puissant et qui transcende ma façon de créer, qui me bouscule et me permet d’aller au-delà des limites que je me pose (et qu’on se pose tous) – ces fameuses pensées limitantes qui encombrent nos perceptions de nous-même et nous empêchent souvent d’avancer, de croire en nos capacités, nos rêves, nos idéaux. Je ne vous apprends rien, n’est-ce pas ? Et je parle assez souvent des murs que je percute et qui me claustrent (façon imagée de parler de mes propres limites virtuelles) dans les fleurs que je cultive dans Le Jardin des Délices (podcast créatif) : « Le Mur invisible », « Camaïeu de gris », « Impostrice », « Une Petite Boîte » (en ligne le 19 mai)… il y en aura d’autres.

Le Jardin des Délices

En parlant du Jardin, j’ai enregistré tous les derniers textes postés en novembre 2022, mis à part « Don’t Give up », que j’ai écrit et posté en janvier, et le dernier sera posté le 20 avril, il s’appelle « Une Faim de loup ».
Depuis, aucun texte ne s’était réellement finalisé, je m’inquiétais, me torturais, me disais que j’allais clore ce chapitre botanique malgré les retours positifs, encourageants et chaleureux (Merci ! 🙏💜). Et ça me brisait le cœur. Je me disais que si un seul de mes textes permettait de toucher une personne, une seule, et de l’accompagner dans sa solitude, alors mon travail était accompli. Il ne fallait donc pas que je lâche ces fleurs qui se développent et réclament leurs sœurs.
Au fond de moi, je sens une morsure profonde lorsque je pense à ce Jardin des Délices. Ce podcast revêt une dimension mystique pour moi parce que ses textes sont parfois incontrôlés et incontrôlables. Une force intérieure me ronge et m’oblige à les écrire, quitte à en perdre le sommeil. Ils sont souvent de l’ordre de la génération spontanée. Par moment, j’entends même une voix qui me les dicte, c’est pour vous dire. C’est ce qui se passe en ce moment. C’est aussi ce que j’exprime dans l’épisode intitulé « D’où viennent les mots ? ». Oui, c’est mystique, et alors ? Et magiquement, l’émulation m’a rattrapée la semaine dernière grâce à une nouvelle plume rencontrée. Vive les insomnies !

Bref, j’étais là pour vous parler de mes coups de foudre d’écritures.

À Fuck toute, À Love toute/Nouvelles de l’Entre-Mondes, Rodrigue

Un album. Un livre. Les deux versants de l’écriture percutante de Rodrigue. C’est une plume qui me fascine depuis près de deux cents lunaisons. Elle est ciselée. Elle est authentique. Elle est pulsionnelle et passionnelle. Rodrigue, c’est un artiste qui ose sortir hors de lui-même pour explorer le monde, les styles et les univers. Écorché, il étale ses plaies à peine cicatrisées. Elles suintent encore. Pas de tabous, pas de peurs. Et moi qui m’effraie de certains mots et de leurs significations sans savoir vraiment pourquoi, sa plume m’hypnotise. M’ensorcelle. Parfois, je la suivrais « N’importe où ! N’importe où pourvu que ce soit hors de ce monde* ! » Elle est un mélange de Kaa et de Méduse. Elle est à la fois corruptrice et séductrice et cela transparaît dans ses mots. Plume sensuelle. Sexuelle. Qui attise l’âme.
« Atteinte à l’intégrité d’un cadavre » est sans doute, pour moi, actuellement, l’un des morceaux (en plus il est engagé !) les plus aboutis de l’artiste, dans l’écriture et dans la (dé)construction musicale qui grimpe en crescendo, comme une pleine jouissance du monde et de la société capitaliste. Sauf que, c’est plus compliqué que ça… Je vous laisse découvrir le texte, la chanson. L’expérience émotionnelle vaut mieux que cent mots.
Je pense aussi au morceau « Cicatrice » envoûtant, enivrant. La plume entaille la chair. Et le rythme du titre accentue l’émotion exacerbée ressentie via les maux (non ce n’est pas une fautte d’ortografe, ni un lapsus, mais bien un jeu de… maux – hum). Il s’agit là de vivre ses blessures, de les partager et de respirer les souffrances engendrées. Rodrigue me donne l’impression d’extirper hors de lui un monstre qui le dévore de l’intérieur et qu’il essaie d’étouffer depuis… depuis… le reste de la phrase lui appartient.


L’écriture est exaltée, lyrique, y compris dans son recueil de nouvelles, Nouvelles de L’Entre-Mondes, où son imaginaire débridé nous régale. La mise en abyme du narrateur est un véritable délice et les personnages qui ponctuent les récits sont à la fois attachants, colorés, imprévisibles. Tout peut arriver. De page en page, on ne cesse d’être charmé.e.
Et sur l’album, lorsque j’entends « Monseigneur l’hiver », je frissonne d’effroi. Les mots sont d’une justesse implacable pour ce morceau engagé sur la thématique du « Je ne savais pas, je n’ai pas vu, je n’ai fait que ce qu’on m’a demandé » et qui teinte de sang nos sociétés depuis des lustres à coups de sacrifices humains 💔. Ce titre est arrangé comme un conte de Noël teinté Tim Burton. L’horreur dans un écrin de douceur.
À Fuck toute, À Love toute, transpire également la résilience, cette force intérieure qui nous permet de résister, de rebondir et de se relever des ruptures existentielles, des traumas, des souffrances physiques et psychiques. La vie nous percute, mais les ressources accumulées par les années servent de substrat riche à l’épanouissement de l’âme et du cœur.
La plume multiforme de Rodrigue m’exaspère autant qu’elle m’inspire. Elle me défie. Grâce à elle, j’ai appris à oser, à moins avoir peur, à dépasser mes limites, à sortir de ma zone de confort. Merci 🙏.

Envier les Vivants, Intenable

On sort du registre rock indé, pour entrer dans le punk-rock. Le son des guitares est beaucoup plus saturé, puissant et l’énergie plus bondissante. La musique véhicule la rage d’exister. Toutefois, et c’est là que le charme opère, Intenable possède une délicatesse dans la façon d’écrire ses textes qui sublime les affres de la vie de l’être humain. Je ne sais par quelle magie l’auteur procède, mais il glisse de la douceur et de la subtilité dans un style qui n’y est pas habitué d’ordinaire (je dis bien d’ordinaire, il y a toujours des exceptions). Ici, la fluidité des mots surfe sur la fluidité des maux, tout en finesse et les multiples douleurs (mort, maladie, souffrance psychique…) sont transcendées grâce à l’énergie débordante du groupe et de sa musique. L’une complète l’autre et réunifie la vie.
Je connaissais uniquement (ou presque) le morceau « Ma Solitude » (que j’affectionne particulièrement du fait de la justesse émotionnelle ressentie) issue de leur premier album, La Cour des grands, avant de les revoir en concert à Vannes, dernièrement, et j’ai apprécié d’être happée par l’énergie scénique du groupe et leur gentillesse. La douceur et la bienveillance, c’est important dans cette société brutale ! Oui, oui.

Sur l’album Envier les Vivants, les titres « Ensemble, en cendres » et « Mer morte » m’ont à la fois brisé le cœur et remplie d’amour. Ce sont de vrais crève-cœurs, mais on est guidé.e tout le long du chemin, on n’est pas isolé.e ni abandonné.e sur le bord de la route. Un ami vous prend la main pour vous soutenir, pour partager votre souffrance. Une bulle de compassion dans laquelle j’ai aimé me lover, malgré sa tristesse.
Réminiscences douloureuses du passé, évidemment, mais je ne me sens pas seule. Et c’est là l’universalité des histoires les plus personnelles. Elles réchauffent les cœurs meurtris. Nous partageons toustes les mêmes histoires.
Et moi, cette écriture, je n’y arrive pas. C’est trop intime, c’est trop personnel, c’est trop… souffrant. Ça bloque à l’intérieur, là, au niveau du plexus, du cœur et ça remonte dans la gorge. Ma plume se paralyse, se glace. Alors, je reste dans le flou, l’éthéré, l’abstrait. Ces deux textes, j’aurais aimé avoir été capable de les écrire… Oui, il y a une légère pointe de jalousie, j’avoue, parce qu’il m’est compliqué de sortir de cette zone de confort-ci.

Si vous avez un peu de temps, mais que vous ne voulez pas écouter l’intégralité de l’album, allez jeter une oreille au morceau « Le Portrait de Marcel », une ode aux anonymes travailleureuses de l’ombre, les invisibles, les petites mains essentielles à la société et méprisées, piétinées par les élites. Ce titre est peut-être un peu moins déclenchant émotionnellement que les deux autres précédemment cités, mais c’est une pépite entêtante… une pépite d’empathie. Et la justesse des mots choisis me fascine. La plume est précise, percutante, fluide. À elle seule, cette chanson montre une partie de l’étendue des capacités du groupe Intenable en matière de musique et de paroles. Comme le titre « L’époque ».
Envier les Vivants est un album riche et mélodique, magnifique graphiquement grâce aux sublimes dessins de A.Przynierska. Ils accompagnent tellement bien l’ambiance de l’album. Les multiples chœurs (Membres du groupe ou chorale) offrent une touche apaisante aux rythmes punk-rock, comme des bouffées d’oxygène qui redonnent vie pendant une crise d’angoisse, une dépression.
Mêler subtilité, émotions vives, douceur, bienveillance, compassion, empathie et considérations sociales, dans un seul et même texte, n’est pas aisé à accomplir, et pourtant la poésie d’Intenable réussit à tenir la route sur la longueur et elle leur permet de construire un album équilibré, pertinant et (af)fûté. Respect.

Un exutoire

Rodrigue est dévoré, Intenable est becqueté…
Qui souffre de la morsure de l’Ogre-Vie ?
Pas de préférence, pas d’échelle, pas de jugements.
Moi j’me pétrifie dans ma petite boîte.
Alors que je n’ai cité que quelques textes, ma plume, différente, tremble et tache d’encre ma vie…
Et vous, quel rapport vous entretenez avec l’écriture des autres ?

L’écriture est une forme d’exutoire. Elle permet de s’affranchir des règles, d’oser là où la vie, la morale ne nous le permet pas. Et lorsque le travail est effectué intelligemment avec une poésie affûtée, avec bienveillance et compassion, alors les émotions passent sans force. Dans la souffrance et dans l’amour partagés, les doux mots des maux nous emportent en tourbillon infini, des instants suspendus, hors du temps, on effleure l’éternité.

Si vous avez l’occasion, allez voir ces artistes en concert, ça vaut le détour.

Et d’ici là, rappelez-vous, vous n’êtes pas seul.e.s 🙏💜.
J.

Informations complémentaires non exhaustives

Bibliographie

Musicographie

Sitographie

Intenable
Le Jardin des délices
Rodrigue

Pour aller plus loin

Live

Clips
Fév 6, 2023 - Bribes de vies    No Comments

Don’t give up

Reprendre un blog, après plusieurs mois, voire plusieurs années d’absence.
Me mettre la pression avec des challenges personnels, professionnels, scolaires, universitaires à accomplir.
Être submergée par la quantité d’idées qui fusent dans tous les sens.
Ne pas respecter mes propres délais fixés et mes propres limites physiques, psychologiques, émotionnelles, sensorielles, relationnelles.
Péter les plombs de frustration, m’en vouloir de ne pas savoir/pouvoir me prioriser, d’avoir oublier mon essence, mon chemin de vie, ce qui me tient à cœur.
Arrêter de me morfondre, me recentrer sur moi et croire à nouveau en moi.
Ne pas abandonner, malgré les chutes, les échecs et les affres de la vie. Les expériences.
Alors, reprendre l’écriture, un blog, la création…
Ne jamais abandonner.

Ne jamais abandonner…

Ce sont les mots qui sont sortis tout seul, il y a quelques mois, presque un an alors que je m’étais fixée d’écrire un article de blog, de reprendre mes écrits en main et de m’y tenir au moins quelques temps. Un article tous les premiers quartiers de lune (même si on est le lendemain de la pleine et que je n’ai pas tenu mes propres délais)… Pourquoi pas, c’est plus light qu’un article par semaine, ça me met moins la pression. Écrire sans contrainte de thématique, sans ligne éditoriale et livrer un échantillon de ma vie d’autrice, d’écrivaillonne en arbres comme j’aime à m’appeler. C’est ma marque, c’est comme ça. Et dans ma tête, malgré les critiques reçues, cette expression n’a jamais été négative. Elle est juste moi. Riche en ramifications. Arborescence plurielle.

Retrouver la voie de soi, de sa créativité, de son écriture…

Quoi qu’on en dise, ce n’est pas toujours une question de vouloir, parfois il s’agit d’une vraie question de pouvoir. L’expression galvaudée du « quand on veut, on peut » m’exaspère au plus au point. Celleux qui la lancent, souvent comme une pique, à certains procrastinateurices, en les toisant de haut, d’un air condescendant, en grands détenteurices de la vérité, ne savent pas combien il est parfois très frustrant, d’avoir la motivation, de savoir ce qu’il y a à faire et de ne pas réussir à se mettre en mouvement. C’est un véritable malaise intérieur que d’avoir envie, réellement envie de faire quelque chose et d’avoir le cerveau qui s’embourbe pour se mettre au travail. Tout n’est que distraction, tout n’est que difficulté, tout est confus, tout est urgent, prioritaire, et tout brûle jusqu’à bouillir dans chaque cellule. Et c’est l’explosion. Plus rien n’est alors possible. C’est une impasse. Comme pétrifié, tout devient extrêmement compliqué et on se noie alors dans une mélancolie, un spleen des temps productifs, sans comprendre ce qui se passe. Anxiété…

« Et pourquoi les mots ne sortent plus ? Pourquoi je n’arrive même plus à faire la cuisine sans être submergée par toutes les étapes d’une recette ? Pourquoi tous ces autres y arrivent elleux et pas moi ? »

Oui, dans ces cas-là, parfois, ouvrir un tiroir pour prendre un couteau et éplucher une racine cabossée est une chose des plus insurmontables. Un océan se dresse entre le début et la fin de la tâche qui paraît beaucoup trop complexe. C’est comme si mon cerveau était claustré dans une cellule sans issue. C’est comme un pont suspendu sur lequel il manquerait des dizaines et des dizaines de planches ; il serait plus facile de compter les planches qui sont présentes… Merci Jessica McCabe de la chaîne YouTube How to ADHD pour cette image vraiment parlante(lien de l’épisode, ici). Je vous conseille cette chaîne, elle est précieuse (lien de la chaîne, ici).

La surcharge cognitive

Demain sera un jour meilleur. Demain je saurai organiser ma journée, je saurai même faire la recette la plus complexe sans sourciller. Aujourd’hui, mon cerveau a besoin de repos.
Eh oui, parfois, c’est pour ça que moi je procrastine. Parce que parfois, imprimer un document, c’est une tâche insurmontable et me provoque des crises d’anxiété dont vous n’avez pas idée. Et demain, je me trouverai ridicule d’avoir autant paniqué pour tâche aussi simple… L’auto-jugement est souvent sévère.
Alors demain, si l’envie vous vient de taquiner un proche d’un « quand on veut, on peut », rappelez-vous que tout ne se situe pas dans le « vouloir » et que chacun fait ce qu’il peut avec ce qu’il est. Comme vous d’ailleurs. Et qu’en fait, en psychologie, le fait de se sentir submergé par tout ce qu’on a à faire, par nos pensées et d’avoir le cerveau qui se pétrifie, ça un nom : la surcharge cognitive.

J’ai écrit cette article en mai 2022, je le reprends aujourd’hui et quelle n’est pas ma surprise de voir que je sors difficilement d’une nouvelle phase du même type et c’est ma neuropsychologue qui m’a donné le nom de mon état du moment : surcharge cognitive. J’ai répété mon schéma, alors que depuis je m’étais équilibrée. Je vous épargne les raisons de cette surcharge cognitive, mais les stress émotionnel, administratif, professionnel, artistique, créatif, universitaire, personnel, logistique se sont tous abattus d’un coup sur mes circonvolutions cérébrales.
Surcharge cognitive…

Cette expression grossière qui met en prison mon cerveau et qui joue sur l’estime de moi-même en me notifiant mon auto-déception. Ouais, la phrase est lourde, pardonnez à mon cerveau étriqué qui étouffe dans sa cage. Un bol d’air, voilà ce qu’il lui faut. De l’air, de la nature, de la marche. Un retour au corps… Et que je prenne soin de moi pour retrouver ma lumière intérieure et c’est à ça que j’ai passé mon mois de janvier (ça aussi ça devient répétitif, je penserai à partir en vacances en janvier, les prochaines années).

Don’t give up, Bright Lights, Imbolc et le retour de la lumière

Alors, pour contrebalancer cette noirceur ambiante chère au mis du, les mois noirs en breton, je vous souhaite à tous de trouver la lueur au fin fond de vos ténèbres, celle qui vous fait tenir le coup, vous accrocher à votre résilience, celle qui peut croître si on la nourrit ardemment. En ce début février, chez les celtes, on fête Imbolc, le retour de la lumière. C’est le pendant lumineux à la Samain, l’entrée dans les mois noirs. Et cette année, comme de plus en plus chaque année, nous avons besoin de lueurs pour éclairer nos chemins intérieurs et explorer l’obscurité. Dompter nos ombres, les apprivoiser, conjuguer avec elles pour les mettre en lumière et les accepter. Vivre avec elles en pleine conscience sans se laisser submerger par elles.

Je termine cet article avec un extrait du Jardin des Délices (en lien, ici), mon podcast créatif. Il s’agit du premier épisode de l’année 2023, celui que j’ai publié en guise de vœux, si je puis dire. Il se nomme « Don’t give up », comme le titre de cet article.
Voici :
« Je vous souhaite de trouver cette lueur, ce guide, cette lumière qui illuminera votre vie, de vous en saisir et de ne plus la lâcher.
Oui, don’t give up, comme le disent les anglo-saxons. C’est, depuis 2022, mon mantra en janvier, ce mois noir, en Brocéliande, où la nuit, goulûment, dévore encore le jour…
Ne pas abandonner. Croire en nos rêves, les laisser nous happer, nous élever, nous enlever à la violence inouïe de notre incarnation dans cette société à la morosité ambiante pour nous sublimer et offrir en échange une nouvelle étincelle d’espoir.
Croire en notre lumière, la laisser nous envahir intimement jusqu’à ce qu’elle pénètre nos plus infimes parcelles… corporelles… énergétiques.
Écouter le Jimini-Criquet sur notre épaule, avoir foi en lui, il sait ce que notre cœur, notre corps et notre âme réclament.
Oui, Je vous souhaite de trouver cette lueur, ce guide, cette lumière qui illuminera votre vie, de vous en saisir et de ne plus la lâcher.
Jamais. »

À bientôt pour un nouvel épisode de mes boire et déboires…

Nov 15, 2022 - Coups de coeur    No Comments

Placebo + Jehnny Beth – Le Liberté – Rennes – 14 novembre 2022

Namaste les Dévoreureuses de Mondes, 

Vous n’aurez pas de photos. J’ai décidé de respecter la volonté des artistes et de passer le concert à profiter de l’instant, de la musique, des émotions, des énergies puissantes générées par la communion, le partage, la transcendance. 

On a oublié comment on profitait de la musique il y a vingt ans et c’était la meilleure des façons : essayer de porter les artistes pour qu’ils puissent donner le meilleur d’elleux-mêmes. Elle est là la réalité de l’échange entre celleux qui sont sur scène et celleux qui les acclament, elleux aussi ont parfois besoin d’être tenu.e.s par la main, d’être soutenu.e.s, pour s’élever, pour pouvoir faire face à un public exigeant, pour pouvoir donner le meilleur d’elleux-mêmes, pour pouvoir faire leur métier avec passion et illuminer vos yeux, vos vies.

Et j’avoue que j’ai pris un vrai plaisir à assister à un concert avec très peu de téléphones. Et c’est une ancienne photographe de concert qui vous parle…

Jehnny Beth, la fureur de vivre

Le Liberté n’était clairement pas prêt pour Jehnny Beth…

Jouant avec les sonorités indus à la Nine Inch Nails (pas étonnant, l’animatrice d’Arte a bossé sur son premier album avec Atticus Ross, collaborateur de Trent Reznor), le trio a dû aller chercher le public pour en soulever un semblant de clameur. La meneuse, Jehnny Beth, fait pourtant le taff : sensuelle, charismatique et dynamique, elle n’a pas peur de rentrer en contact avec le public en grimpant sur les barrières pour être au plus de près de la chaleur humaine. 

Personnellement, j’avais écouté sur YouTube, je n’étais pas emballée (chacun ses goûts), mais le personnage m’ayant intriguée je suis aller fouiller et me suis abonnée sur les réseaux. J’ai été envoûtée par sa douceur et sa culture underground et j’ai finalement eu hâte de la voir sur scène. J’ai été conquise, elle m’a donné ma dose d’indus, et ça faisait longtemps que je n’avais pas reçu un bon gros son. La suite de la soirée n’allait pas me décevoir niveau gros son.

Merci à Jehnny Beth pour cette percutante ouverture. 

Placebo, la parfaite transcendance 

Alors que les techniciens s’affairent sur scène pour préparer le plateau, J’entends de la musique et des mantras récités. Je cherche d’où provient le son et je suis incapable de savoir si les mantras viennent du public ou des enceintes. Ou de ma tête… 😆 Moi j’aime les mantras (en particulier l’un d’entre eux), alors je me sens à ma place, je m’apaise et je souris. Je sens que je vais voyager.

Parce qu’à l’origine, c’était pas gagné. J’étais sceptique. Comme dit dans un autre article, j’avais arrêté d’écouter Placebo aux alentours des années 2003. Je ne m’y retrouvais plus. Et je dois dire que je me suis réconciliée avec le groupe dès le premier morceau. Exit l’arrogance des débuts, je retrouve un groupe qui s’est épanoui dans sa plume, sa musique et son attitude et c’est très touchant.

Une belle complicité lie les membres du groupe (le duo Brian Molko et Stefan Olsdal d’une part, mais également les musiciens qui les accompagnent : Angela Chan, William Lloyd, Nicolas Gavrilovic, Matt Lunn). 

Le son est puissant, la batterie tabasse, la musique ensorcèle (oui, en digne résidente de Brocéliande, il faut bien que je saupoudre de la magie quelque part), et l’énergie envoyée est profonde, transcendantale.

Les sourires illuminent le visage des musiciens, il y a un vrai plaisir à retrouver la scène et ça se sent. La crise Covid intensifie sans doute le plaisir. 

Les britanniques occupent également l’espace et vont chercher le public. Pas besoin de mots, les gestes sont éloquents et seule la musique suffit. À celleux qui reprochent à Brian Molko de ne pas parler, je répondrai : « il est là pour vous faire voyager avec sa musique, pas avec ses interventions entre les morceaux ». Il est probablement là le message que transmet aujourd’hui le groupe Placebo : la musique seule suffit. 

La communication, la communion passent également par les gestes, les émotions et l’énergie, il suffit de s’ouvrir, d’observer le monde d’un regard différent pour accepter qu’on peut communier en fermant les yeux et en se fondant à l’instant. 

Parler, c’est parfois uniquement flatter l’ego du public et ils ne sont pas là pour ça.

Les paroles deviennent vaines, là ne réside pas l’esSENStiel, la racine de l’art, l’essence de la création. 

Retrouver l’ESSENCE de la musique, je pense que c’est exactement ce que Brian Molko et Stefan Olsdal, accompagnés de leurs acolytes, ont fait ce lundi soir au Liberté, à Rennes. 

Ils m’ont enchantée, je n’ai plus qu’à retrouver Merlin dans ma forêt pour continuer le voyage. 

« Soyez digne d’un don, pas dingue d’un dû. » Maëster 

Aujourd’hui, j’avais envie de nourrir un egregor positif plutôt que de laisser s’exprimer de façon décomplexée l’ego d’un public exigeant la soumission totale de l’artiste – je visualise bien des crocodiles à l’affût de leurs proies. Je trouve les critiques haineuses, égoïstes de plus en plus fréquentes et elles me déchirent le cœur. 

Non, les artistes ne vous doivent pas tout. Ils ne sont pas là non plus pour satisfaire chacun des egos présents dans la salle ou l’assistance. C’est fondamentalement impossible. 

Non, les artistes ne vous appartiennent pas. Jusqu’à preuve du contraire, ils sont encore libres de choisir ce qu’ils veulent vous transmettre. 

Non, les artistes n’ont pas besoin d’utiliser la communication verbale ou la parole articulée pour exprimer des émotions et entrer en communion avec leur public. 

Fermer les yeux,  profiter du moment, être ensemble. Accepter de voguer vers un ailleurs, un autre monde l’espace d’un instant. 

Oui, les artistes ont le droit d’être eux-mêmes sur scène sans avoir besoin de prononcer un mot à leur public, ils peuvent tourner le dos à l’audience, cacher leurs émotions, ou encore avoir perdu un proche, être malade et assurer quand même le show du soir… vous ne savez rien de leur vie. 

C’est au public d’être humble, de respecter sa place et de se souvenir qu’un artiste est un être humain que l’on doit respecter et qui vous donne de son temps, de son énergie, de son physique.

En concert, la musique seule devrait suffire… 

Et n’oubliez pas, lorsque vous achetez une place de concert, ce n’est pas uniquement les artistes qui sont sur scène que vous rémunérez, mais la production et toute son équipe, les chauffeureuses de camions et de tour bus, les technicien.ne.s qui montent et démontent le matériel, celleux qui assurent, son, images et lumières, le service de securité, celleux qui surveillent, celleux qui fouillent, celleux qui vous soignent, la location de la salle et tout son personnel, les accueillant.e.s, les ouvreureuses et les placeureuses, les équipes de nettoyages et j’en oublie tellement d’autres. Vous n’imaginez probablement pas le nombre de personnes qui travaillent dans l’ombre pour qu’un concert de ce type puisse avoir lieu. 

Restez zen, ouvrez votre cœur, entrez dans la bulle et accueillez le moment tel qui vous est offert, c’est la meilleure façon de franchir le pas de la transcendance et d’un autre monde. 🙏

Petit ajout du 23 novembre 2022 : Ma publication sur les réseaux sociaux en lien avec ce concert et avec de belles erreurs d’orthographe sur le mot égrégore… tout va bien ^^.

Retranscription des diapos :

Diapo 1 : Placebo + Jehnny Beth – Le Liberté – Rennes – 14 novembre 2022

Diapo 2 : Namaste les Dévoreureuses de Mondes,
Aujourd’hui, via un article, j’avais envie de nourrir un égrégore positif. Je lis beaucoup de commentaires négatifs sur l’attitude d’artistes sur scène. Et ce manque de respect me brise le cœur. Vous pouvez retrouver mon humble avis ici :https://bit.ly/3UWbogs
Mais en attendant, voici quelques réflexions…

Diapo 3 : À l’image de crocodiles à l’affût de leurs proies, certain.e.s fans décomplexé.e.s se lâchent dans des commentaires acerbes sur les réseaux. Pourtant…
Un.e artiste(ici musicien.ne) est un être humain comme un autre, iel ne vous doit rien, iel fait son métier de musicien.ne : Jouer de la musique.

Diapo 4 : La communication verbale articulée n’est pas la seule forme de communication, il suffit d’ouvrir son cœur pour accueillir l’être humain dans son intégralité et respecter son intégrité pour expérimenter ces formes de connexions avec l’autre.

Diapo 5 : En bon être humain, un.e artiste peut aussi avoir des soucis personnels et… the show must go on, parce que derrière sa performance, il y a une grosse machine à rémunérer. Faire preuve d’empathie et de compassion n’a jamais fait de mal à qui que ce soit.

Diapo 6 : Pour entrer en communion avec les zikos lors d’un concert, il faut aussi que le public y mette du sien, fasse un effort, et respecte celleux qui performent sur scène et je vous renvoie plus haut : Accueillir l’autre dans son intégralité et sans filtre.

Diapo 7 : Chacun a sa part à faire. Et le soutien est important pour tirer vers le haut l’énergie de la musique. Moi je visualise ça comme un portail vers un autre univers, accepter de franchir le sas, c’est entrer dans une autre dimension, plus grande et, comme le Tardis, cette dimension est plus grande à l’intérieur. 😊
(Il n’y a pas de smiley Tardis, et ça c’est nul)

Diapo 8 : Bref, tout ça pour dire que lundi soir, j’ai vu des artistes communiquer, chacun.e à leur façon avec le public et que la communion, la transcendance, est possible si le public y met un peu du sien. Pour moi, en tout cas, ça a fonctionné. Merci @placebo et Jehnny Beth pour ce que vous avez donné. 🙏🙏🙏

Diapo 9 : Ah oui, et une dernière chose : un concert avec peu de téléphones portables – je ne peux pas dire sans – c’est quand même vachement plus sympa.
Merci à vous de m’avoir lue.

Oct 8, 2022 - Coups de coeur, livres    1 Comment

Never let me go, Auprès de moi toujours, Placebo et Kazuo Ishiguro

Si vous me côtoyez, vous savez que, régulièrement, j’ai des lubies artistiques qui sont du genre monomaniaques, quitte à saouler mon entourage, même si je me contiens. Cette année, j’ai eu une phase Buffy, The Vampire Slayer qui a duré plus de deux mois, voire trois, d’ailleurs, j’en ai écrit un article que je n’ai jamais publié sur la censure des chaînes françaises, peut-être un jour… Mais ce n’est pas le sujet.
Puis, depuis le mois de juin, je suis retombée dans les bras accueillants (ou pas, c’est vous qui voyez) de Placebo.

Placebo, Never let me go

Never let me go, Placebo

J’avais mis de côté ce groupe au moment de leur quatrième album, Sleeping with ghosts parce que je ne me retrouvais plus dans leur musique ni dans l’arrogance de leur chanteur, alors j’ai mis de côté. Presque 20 ans… Pourtant, j’avais été bluffée par leur premier album éponyme, puis par Without you I’m nothing et Black market music m’avait bousculé par quelques titres extraordinaires. J’adorais leur côté hors norme, le jeu des genres, l’énergie de leur musique, leurs expérimentations, jusque l’année 2003.
Et en juin de cette année, je ne sais pas d’où c’est venu, j’ai ressenti comme un appel à réécouter leur musique. Oui, ça fait un peu mystique dit comme ça, mais je n’avais aucune raison de revenir vers eux à ce moment-là, je n’ai aucune explication. Dans ma tête, j’ai entendu leur musique, alors je me suis remise à écouter. J’avais besoin d’énergie pour sortir mon premier livre, La Légende de la Méduse, et leur musique me l’a offerte et continue de me l’offrir. Je pense que ce livre, celui qui arrive pour la fin de l’année et mon podcast créatif, le Jardin des Délices n’auraient jamais vu le jour sans cette pulsation énergétique.
Assez rapidement, j’ai appris que le groupe venait de sortir un nouvel album : Never let me go et j’ai été d’emblée conquise. Le groupe a évolué, et je me retrouve à nouveau dans leur choix musicaux et certains de leur textes. Cet album m’a littéralement avalée pendant plusieurs semaines. Il m’a scotchée, d’abord par sa richesse musicale, plutôt surprenante, mais aussi par ses textes singuliers, parfois complexes. Alors, aujourd’hui, Brian Molko prend moins la plume pour parler de sexe ou de drogues (quoique), oui, mais il aborde des sujets tout autant intéressants et qui me touchent particulièrement : l’éco-anxiété et le retour à la Terre (« Try better next time »), la surveillance accrue par les proches et moins proches, les médias, l’autorité… (« Surrounding by spies »), David Bowie, la mort et la violence policière (« Happy birthday in the sky »), le mal-être et l’envie de changer de vie, de disparaître (« The Prodigal », « Chemtrails », « Went Missing »)… Bref des choix d’actualité, pour quelqu’un qui se force à s’adapter à la vie dans une société occidentale bancale et malade et qui réveille l’éternelle question : pourquoi vouloir s’adapter à une société malade ? Qui est le plus malade ? Le marginal ou celui qui s’adapte à la société malade ?

Year Zero, Nine Inch Nails

Alors forcément, j’ai été envoûtée et je ne peux que vous conseiller de jeter une oreille attentive ne serait-ce qu’au morceau qui ouvre l’album, « Forever Chemical », à sa harpe (si je ne me trompe pas) distordue et à sa lourdeur indus. Clairement, à l’écoute de cet album, avec les clips, et le nouveau look du chanteur, j’ai eu une réminiscence de mes années Nine Inch Nails (« The perfect drug », pour le look et l’album concept Year Zero).
Véritable objet d’art, cet album a un artwork soigné, c’est d’autant plus rare de nos jours que ça mérite grandement d’être noté, et qui donne vraiment envie de posséder le disque. Et tout ça stimule mon esprit créatif et me donne envie de crier : « Art is resistance !« , comme toujours.

Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours

Auprès de moi toujours, Kazuo Ishikuro

J’aime beaucoup les groupes qui poussent à la réflexion jusqu’à proposer des références littéraires (les livres, c’est ma vie, mon obsession, sans eux je ne suis rien). Donc, naturellement, en bonne curieuse qui se respecte, je vais creuser un peu et aller lire les références quand j’en ai l’occasion et surtout le temps. Là, j’avoue, le livre de Kazuo Ishiguro, Auprès de moi toujours…, m’a pris beaucoup plus de temps de lecture que prévu à cause d’un mois de septembre très chargé en réécriture. Pourtant, la lecture est d’une fluidité rare. Et j’adore les récits où la subtilité du fantastique (plutôt SF ici) vous emporte sans que vous ne vous en rendiez compte (mention spéciale à Mélanie Fazi dont les nouvelles fantastiques embrasent mon cœur et mon esprit à chaque lecture grâce à cette subtilité délicate, ainsi qu’au livre mémorable de Marlen Haushofer, Le Mur invisible). Mais nous embarquons d’abord, ici, dans une histoire d’amitié des plus réalistes que l’on suit par flashbacks. Les incursions dans le temps présent, laisse un goût amer qui ronge les entrailles. C’est plutôt étrange, parce que cette sensation est amenée par un seul mot : « don ». Là où on pourrait y voir quelque chose de débonnaire, il n’y a qu’illusion, douleur et sacrifice. On se doute, mais rien n’est expliqué avant la fin… Alors, je n’irai pas plus loin, je n’ai pas envie de vous gâcher le plaisir de la découverte via la lecture et le choc scénaristique. J’ai juste envie de parler de cette chanson qui hante le récit et qui a donné son nom à l’album de Placebo, « Never let me go », « Auprès de moi toujours » en français. Cette chanson entêtante. Celle qui vous rassure et que vous fredonnez pour vous réconforter. La chanson doudou. Elle devient presque un péché mignon qu’on se garde pour soi quand on est seul.e et dans laquelle on se love. On en a toustes de ces chansons-là. Elles n’ont pas besoin d’être extraordinairement originales, mais elle nous parle directement au cœur, cette énergie universelle qui nous traverse toustes. L’énergie la plus importante. L’énergie immuable.
J’ai mis tant de temps à lire ce livre qu’il m’a accompagnée comme un ami pendant plusieurs semaines et ses personnages me manquent. Il y avait longtemps que je n’avais pas eu le reading blues, tiens…
Et puis, cette chanson tisse un récit différent dans plusieurs esprits. Les protagonistes qui lui sont confrontés créent chacun une histoire différente en fonction des émotions liées à la chanson et c’est tellement merveilleux de pouvoir écrire un texte qui permet à chacun d’avoir sa propre rencontre avec les mots, avec son propre imaginaire. C’est un véritable aboutissement pour un parolier, je pense.

Art is resistance flag

Never let me go : le cri de tous les livres

Ce titre, « Never let me go », exprime autre chose pour moi qui suis depuis toujours fascinée par les livres. Il est lié à ma bibliothèque (certains parleront même de collection tant je les accumule et leur accorde d’importance dans ma vie). C’est le cri que je crois entendre dès que je fais du tri et plus particulièrement dès que j’essaie de vider ma bibliothèque. Chacun d’entre eux me hurle « Never let me go », traduction littérale : ne me laisse jamais partir. Comme s’ils avaient tous leur volonté propre et le désir de rester dans le carcan chaleureux de mes étagères. Auprès de moi toujours… Quand je me suis séparée de certains d’entre eux, je l’ai regretté. Et c’est le cri que moi je formule pour chacun d’entre eux. J’ai toujours dit qu’on m’enterrerait avec mes livres, les miens et ceux de ma bibliothèque. Ils sont mes compagnons, mes amis.
J’irai même encore plus loin en vous disant que ce cri, « Never let me go », est celui de toutes les créations (reconnues ou non), elles s’accrochent toutes aux doigts et au cœur de la personne qui lui a donné sa substance dans la matière pour l’offrir au monde. Tant d’heures passés pour lâcher prise… et let it go… l’offrir au monde.
Alors, elle ne nous appartient plus, elle est vôtre, elle est nôtre, elle est tout.

Art is resistance!

P.S. : Tu la sens poindre légèrement la fixette Nine Inch Nails, là ? 😀

Art is resistance

213. Le climat. Try better next time.

213. C’est le chiffre du jour.
213.
Je n’en reviens pas encore.

213 semaines que Greta Thunberg a commencé sa grève pour le climat*, qu’elle est sortie du système scolaire de son pays pour alerter la planète sur l’urgence climatique. Je hurle. À l’intérieur, je hurle. C’est comme ça que s’exprime ma souffrance et ma révolte, elle est représentée par un cri muet.

L’école n’est même pas un moyen de pression… 4 ans… fuck! Tant que ça ne touche pas l’économie, le pouvoir d’achat, ou sa petite personne, tout le monde s’en fout et ça me débecte. Je hurle en silence.

213 semaines, la liberté des uns s’arrêtent là où crèvent les autres.

Plus de 4 ans. Et j’ai l’impression que rien ne bouge là-haut. Oh pas dans les sphères célestes, il ne m’appartient pas de les juger, mais sur Terre, du côté de ceux qui siègent au sommet de la chaîne alimentaire (financière) et qui ne respire que le profit.

Je suis en colère. J’ai quelque chose en travers de la gorge qui m’étouffe depuis des semaines et des semaines et je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Je sais que je fais de l’éco-anxiété (en ce moment ça tourne plus au désespoir même), que je me terre régulièrement loin du monde pour ne pas subir les vagues de paniques diffusées par les médias, mais aussi celles de mon entourage, aussi positif se veut-il. Mais là, je n’en peux plus de lire les commentaires de ceux qui veulent profiter de la vie au dépend des autres. La liberté des uns s’arrêtent là où crèvent les autres (#fifa #worldcup2022 #qatar).

C’est exactement ce qui va se généraliser dans quelques années. Et n’allez pas vous focaliser sur 2050, même si la limite est proche. Étant donné l’été que nous avons eu en Europe (s’il n’y avait que l’Europe), on voit qu’on vit déjà dans ce réchauffement global. C’est déjà ce qui se passe.

Je vis en Brocéliande et même la forêt magique a partiellement brûlé pendant plusieurs jours. Où va-t-on quand la Bretagne, cette région soit-disant pluvieuse de France, se retrouve en vigilance sécheresse et voit ses arbres carboniser ? Et encore, nous ne sommes pas à plaindre. Les réfugiés climatiques ne devraient pas tarder à arriver. Si je vous dis que je suis en train d’essayer de me former pour pouvoir les accueillir, vous me croyez ?

213 semaines de grève pour le climat

Alors on pourra prétexter ce qu’on veut, le cycle de la Terre, celui du Soleil ou d’un autre astre sorti d’un chapeau de magicien ou du télescope James Webb (ses jolis clichés nous font tellement rêver d’un ailleurs utopique), mais dans le concret, il y a des gens qui meurent pour que d’autres puissent faire 3 fois le tour du globe en jet privé en 1 semaine (#bernardarnault – suivez le : https://twitter.com/laviondebernard) ou exploiter le sol de zones protégées (#total). Sans compter ceux qui brevettent les semences et les rendent stériles, comme nos sols (#bayer #mosanto). Est-ce que j’exagère ? Peut-être. Est-ce que j’ai des chiffres précis, je n’ai même pas envie de vérifier. Je sais qu’ils sont déjà bien au-delà de ce que j’exprime et pas parce que je suis catastrophiste, mais bien parce que je suis utopiste et espère chaque jour avoir ma dose de nouvelles qui illuminent ma vie et l’avenir.

Alors aujourd’hui, en voyant la photo hebdomadaire de Greta, j’ai compris. J’avais besoin de l’ouvrir, de ne plus contenir cette colère, mais de la laisser s’exprimer. Je ne suis pourtant pas une adepte des coups de gueule, j’aime plutôt les coups de foudre, plus bienveillants à mon âme compassionnelle. Mais j’ai juste envie de hurler ma souffrance, celle qui m’étrangle depuis des semaines et que j’essaie d’étouffer tant bien que mal. Et si ça vous dérange, tant pis. J’ai besoin d’extirper ce mal-être de ma gorge. Et vous n’êtes pas obligé de me lire.

La perfection n’existe pas

Tic tac, l’horloge tourne. L’anthropocène, ou comment l’être humain fait dégénérer le monde. Et chacun, avec ses gestes de colibris peut faire avancer l’horloge du climat dans le bon sens. Vous savez très bien quels sont ces gestes qu’on rechigne tous à faire, parce que c’est long et chiant : l’huile de palme, le soja pour nourrir les bestiaux qui vous (pas moi) nourriront (sans parler de la souffrance animale associée), le plastique, les déchets, les balades en avion, les balades en jet, le fast tourism, la fast fashion, la climatisation de stades dans une région désertique et caniculaire… pour ne citer qu’une partie de ce qui nous consume tous. On marche sur la tête et on va direct dans le mur.

Moi aussi, j’ai des progrès à faire, je le sais. Comme chacun d’entre nous. Personne n’est parfait. Mais comme le faisait remarquer il n’y a pas si longtemps encore Camille Étienne (@grainedepossible) « nous n’avons pas le temps d’être parfaits ! » Alors agissons, chacun à notre niveau, on peut tous faire quelque chose. Alors toi, oui toi, va ramasser les déchets qui volent sur ton trottoir, c’est encore la tâche la plus facile à faire entre toutes, tu éviteras peut-être à une tortue de se coincer les pattes dans un morceau de plastique.

213 semaines… Je rêve d’utopie : Try better next time.

Je rêve d’un monde respectueux. D’un retour à la terre. D’une vie naïve comme les peuples premiers. D’une vraie relation avec le Vivant. Respectueuse, bienveillante. Nous sommes une partie du Vivant. J’aime à m’imaginer plongeant mes mains dans les entrailles de la Terre et ressentant son cœur battre à la place du mien. Serais-je moins en colère ? Serais-je encore plus résiliente ? Qu’éprouverais-je devant mon hôte destructeur ?

Je rêve d’utopie. Je rêve de douceur et de bienveillance. Je rêve d’humanité (merci au planning familial pour sa belle campagne inclusive). Je rêve d’acceptation, de tolérance, de respect et de compassion.

Alors oui, il se peut qu’un jour, il nous pousse des nageoires et qu’on se retrouve à un endroit, loin d’ici, au milieu de l’océan.** Retour aux origines, dans le ventre de la Mère-Terre, Gaïa. On remet les pendules à zéro et on recommence, parce que, dans son immense mansuétude, elle nous aura accordé une seconde chance. On aura appris de nos erreurs et on formera un peuple soudé qui respecte ses scientifiques et ses lanceur.euse.s d’alerte. Un peuple d’amour dont le cri puissant et bienveillant raisonne l’être humain et le façonne à son image. Un peuple qui respecte le Vivant.

Oui, on fera mieux la prochaine fois**. C’est sûr, on fera mieux.

Pour ma part, je retourne à mes utopies, à mes histoires de dragons et d’enfant-double ainsi qu’à mon jardin (qu’il soit des délices ou riche en fruits et légumes).

Prenez soin de vous.

* School strike for climate, Skolsrejk för Klimatet – Merci Greta pour ton engagement incroyable qui me pousse à l’admiration.

** Texte librement adapté de la chanson « Try better next time » du groupe Placebo.
« There’s a spot in the ocean, that’s where we’ll meet,
Somewhere faraway where fish can nibble at our feet.
And we can grow fins, go back in the water,
Grow fins, go back in the water… »
« Try better next time », Never let me go, Placebo, 2022.

Juil 7, 2022 - livres    No Comments

Stupeur, ou le début de la police scientifique

Namaste les Dévoreureuses de Mondes,

Aujourd’hui, j’ai envie de vous parler d’une lecture particulière et d’une maison d’édition que j’affectionne beaucoup. Oui, certain.e.s d’entre eux vous diront sûrement que je ne suis pas très objective, mais j’ai vraiment envie de mettre en avant le travail de ces éditrices de talent, parce qu’il me touche. Elles savent choisir des textes qui me parlent et m’intéressent.

Logo de Lucca Éditions

Lucca édition ou l’immersion dans la vulgarisation scientifique par l’imaginaire.

Oui, lier la littérature jeunesse et l’imaginaire à la vulgarisation scientifique, c’est possible, et quoi de mieux qu’apprendre en s’amusant. C’est un peu l’idée de cette maison d’édition de Lille et je suis à chaque fois en joie de découvrir leurs nouvelles publications même si, comme chacun.e, j’ai mes favoris et mes sciences préférées.
Alors non, il ne s’agit pas uniquement de sciences dures (mathématiques, physique…), les éditrices choisissent également des textes en relation avec les sciences humaines (histoire, anthropologie…) et cette variété de thématiques n’a d’égale que l’hétérogénéité des cibles de leurs publications : du lectorat jeune via des albums magnifiquement illustrés au young adult en passant par des romans plus courts dédiés aux lecteurices débutants. Et je ne vous parle même pas de la multiplicité des genres : science-fiction et space opera, policier, aventure s’y côtoient. De quoi satisfaire un large lectorat. Allez jeter un œil à leur catalogue, vous vous ferez vite un avis.

Stupeur, ou la découverte des balbutiements de la police scientifique au début du XXe siècle.

20220707 - Couverture du livre Stupeur par Julie Chibbaro

Résumé

Prudence Galewski, immigrée juive de 16 ans, s’ennuie à l’école de jeunes filles. Elle qui ne rêve que de sciences et s’interroge sur à peu près tout et, en particulier, sur cet agglomérat de petites choses qui nous constitue, les cellules. L’été dernier, elle a même confirmé ce rêve en devenant l’assistante de sa mère qui exerce en tant que sage-femme. À l’école de jeunes filles, elle n’y apprend qu’à devenir une future épouse ou, au mieux, une secrétaire, alors elle désespère. Mais les temps sont durs, l’argent se fait rare. Alors Prudence décide de chercher du travail et ça tombe bien, le poste idéal est à sa portée : assister Mr Soper, ingénieur sanitaire, qui enquête sur une étrange épidémie à Long Island.

Petite analyse

Ce livre nous propose une immersion dans l’investigation scientifique. Construit comme un polar, nous partons à la recherche du premier patient zéro de notre histoire : il contamine, mais n’est pas malade. Vous l’aurez compris, ce livre est basée sur une histoire vraie. La majorité des protagonistes ont réellement existé. Cependant, la création du personnage de Prudence offre à la narration une touche romanesque qui nous permet d’entrer au cœur de l’aventure. Nous y suivons ses questionnements d’adolescente hors-norme, qui ne colle pas au moule dans lequel une femme devrait être éduquée, surtout à cette époque, et le début de ses émois amoureux. Prudence est une héroïne à la fois intelligente, singulière et féministe, ce qui facilite l’entrée dans le roman.
Je n’aime pas vraiment la littérature jeunesse qui prend les enfants pour des abrutis, en simplifiant le style à outrance ou en censurant des éléments narratifs. En général, j’ai également du mal avec les récits à la première personne, ils sont de plus en plus fréquents et ce choix narratif, bien que facile d’accès pour la personne qui lit le récit, n’est pas toujours judicieux. Il donne parfois l’impression que l’auteurice saute sur la simplicité au lieu de réfléchir aux différents points de vue de l’histoire.
Pourtant, aucun souci pour ce livre. Avec Stupeur, j’ai pu constater que le travail de traduction est ciselé à la perfection. La plume de la traductrice rend vraiment hommage au travail de l’autrice : le jeu avec les temps est très intéressant et donne une véritable continuité chronologique au récit. Elle permet de visualiser parfaitement la jeune héroïne qui s’assoit le soir pour rédiger, raconter sa journée (au passé) et y ajouter ses analyses et questionnements (au présent). Cette temporalité rend réaliste notre façon de percevoir le monde, nos actions et nos interactions, parfois réflexes, et les interrogations qui peuvent surgir plus tard, lorsque nous avons le temps d’y réfléchir posément.
J’ai lu à plusieurs endroits sur le net, les réseaux ou dans divers commentaires, que la cohérence temporelle de ce récit était mauvaise, incompréhensible et j’en ai été fort surprise.
Parfois, je me demande ce que recherchent les lecteurices pour faire des commentaires incendiaires sur un style affûté d’une traduction qui honore le texte de l’autrice de la version originale.
Parfois, je me dis que les lecteurices recherchent de plus en plus la simplicité, comme s’iels allumaient leur télé le soir en mode lavage de cerveau et ça m’attriste, parce qu’à défaut de lectorat, c’est ce genre de très bonnes publications que l’on risque de voir disparaître.

Un bel objet

En plus de son excellent contenu, ce livre est un magnifique objet, garni d’une splendide couverture aux ornements dorés et d’illustrations très bien réalisées, ce qui n’est pas pour me déplaire, puisque j’aime autant regarder, toucher les livres que les lire (ou les sentir). Et les ressentir…

Vous l’aurez compris, Stupeur est une superbe publication de la maison d’édition Lucca Éditions, signée Julie Chibbaro et traduite par Hermine Hémon. Si vous vous intéressez au début des enquêtes scientifiques, c’est le roman policier historique qu’il vous faut.

Informations techniques

Autrice : Julie Chibbaro
Traductrice : Hermine Hémon
Illustrations : Jean-Marc Supervisée Sovak et Louis Diallo
Couverture : Noëmie Chevalier
Chez Lucca Éditions

N’hésitez pas à me dire en commentaires si vous avez aimé ce livre.
À bientôt pour de nouvelles aventures, d’ici là, prenez soin de vous.

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