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Avr 10, 2023 - Coups de coeur    No Comments

Coups de foudre d’écritures – Chapitre 1 : Rodrigue, À Fuck toute, À Love toute/Nouvelles de l’Entre-Mondes et Intenable, Envier les Vivants

Namaste les Dévoreureuses de Mondes,
Coups de foudre d’écritures… Non, il ne s’agit pas là d’écritures saintes, même si, bien évidemment, on pourrait considérer l’acte de créer, quel que soit l’art, comme un acte lié à la divinité et au sacré. Le nombre d’interrogations qui peuvent exister sur la muse, l’inspiration, le puits à créativité commun montrent que de tout temps, la créativité, l’art a intrigué l’être humain. Mais je m’égare, comme d’habitude.

Il est des écritures qui génèrent l’émulation, l’envie d’une bataille de plumes… Je vous partage ici, deux plumes (Rodrigue, Intenable) qui m’ont mise en mouvement, dans un moment où je m’effondrais et m’éloignais de moi-même. Je pense que le fait que ce soit l’écriture de musiciens qui m’interpelle vient du fait qu’en chanson, on se doit d’être précis et direct (encore plus dans le punk où rares sont les morceaux qui dépassent 3 min/3 min 30). Souvent les textes sont courts, avec peu de mots vous devez offrir du sens, un morceau d’âme. Et c’est une écriture qui me fait défaut aujourd’hui. Même pour le Jardin des Délices. Ma plume divague, digresse.

L’émulation : quand les plumes me remuent et me remplument

J’avais besoin d’un coup de foudre (oubliez le sens amoureux du terme, je parle d’électrisation, d’électrochoc et de l’émulation, chère à mon âme, qui en découle) pour me remettre en selle, ça ne change pas. C’est peut-être la soif de dopamine qui m’appelle ou les retrouvailles avec un Idéal. Peu importe. Et, selon les époques, le style d’écriture qui me percute est différent. Je vous parle de quelque chose d’assez intime et puissant et qui transcende ma façon de créer, qui me bouscule et me permet d’aller au-delà des limites que je me pose (et qu’on se pose tous) – ces fameuses pensées limitantes qui encombrent nos perceptions de nous-même et nous empêchent souvent d’avancer, de croire en nos capacités, nos rêves, nos idéaux. Je ne vous apprends rien, n’est-ce pas ? Et je parle assez souvent des murs que je percute et qui me claustrent (façon imagée de parler de mes propres limites virtuelles) dans les fleurs que je cultive dans Le Jardin des Délices (podcast créatif) : « Le Mur invisible », « Camaïeu de gris », « Impostrice », « Une Petite Boîte » (en ligne le 19 mai)… il y en aura d’autres.

Le Jardin des Délices

En parlant du Jardin, j’ai enregistré tous les derniers textes postés en novembre 2022, mis à part « Don’t Give up », que j’ai écrit et posté en janvier, et le dernier sera posté le 20 avril, il s’appelle « Une Faim de loup ».
Depuis, aucun texte ne s’était réellement finalisé, je m’inquiétais, me torturais, me disais que j’allais clore ce chapitre botanique malgré les retours positifs, encourageants et chaleureux (Merci ! 🙏💜). Et ça me brisait le cœur. Je me disais que si un seul de mes textes permettait de toucher une personne, une seule, et de l’accompagner dans sa solitude, alors mon travail était accompli. Il ne fallait donc pas que je lâche ces fleurs qui se développent et réclament leurs sœurs.
Au fond de moi, je sens une morsure profonde lorsque je pense à ce Jardin des Délices. Ce podcast revêt une dimension mystique pour moi parce que ses textes sont parfois incontrôlés et incontrôlables. Une force intérieure me ronge et m’oblige à les écrire, quitte à en perdre le sommeil. Ils sont souvent de l’ordre de la génération spontanée. Par moment, j’entends même une voix qui me les dicte, c’est pour vous dire. C’est ce qui se passe en ce moment. C’est aussi ce que j’exprime dans l’épisode intitulé « D’où viennent les mots ? ». Oui, c’est mystique, et alors ? Et magiquement, l’émulation m’a rattrapée la semaine dernière grâce à une nouvelle plume rencontrée. Vive les insomnies !

Bref, j’étais là pour vous parler de mes coups de foudre d’écritures.

À Fuck toute, À Love toute/Nouvelles de l’Entre-Mondes, Rodrigue

Un album. Un livre. Les deux versants de l’écriture percutante de Rodrigue. C’est une plume qui me fascine depuis près de deux cents lunaisons. Elle est ciselée. Elle est authentique. Elle est pulsionnelle et passionnelle. Rodrigue, c’est un artiste qui ose sortir hors de lui-même pour explorer le monde, les styles et les univers. Écorché, il étale ses plaies à peine cicatrisées. Elles suintent encore. Pas de tabous, pas de peurs. Et moi qui m’effraie de certains mots et de leurs significations sans savoir vraiment pourquoi, sa plume m’hypnotise. M’ensorcelle. Parfois, je la suivrais « N’importe où ! N’importe où pourvu que ce soit hors de ce monde* ! » Elle est un mélange de Kaa et de Méduse. Elle est à la fois corruptrice et séductrice et cela transparaît dans ses mots. Plume sensuelle. Sexuelle. Qui attise l’âme.
« Atteinte à l’intégrité d’un cadavre » est sans doute, pour moi, actuellement, l’un des morceaux (en plus il est engagé !) les plus aboutis de l’artiste, dans l’écriture et dans la (dé)construction musicale qui grimpe en crescendo, comme une pleine jouissance du monde et de la société capitaliste. Sauf que, c’est plus compliqué que ça… Je vous laisse découvrir le texte, la chanson. L’expérience émotionnelle vaut mieux que cent mots.
Je pense aussi au morceau « Cicatrice » envoûtant, enivrant. La plume entaille la chair. Et le rythme du titre accentue l’émotion exacerbée ressentie via les maux (non ce n’est pas une fautte d’ortografe, ni un lapsus, mais bien un jeu de… maux – hum). Il s’agit là de vivre ses blessures, de les partager et de respirer les souffrances engendrées. Rodrigue me donne l’impression d’extirper hors de lui un monstre qui le dévore de l’intérieur et qu’il essaie d’étouffer depuis… depuis… le reste de la phrase lui appartient.


L’écriture est exaltée, lyrique, y compris dans son recueil de nouvelles, Nouvelles de L’Entre-Mondes, où son imaginaire débridé nous régale. La mise en abyme du narrateur est un véritable délice et les personnages qui ponctuent les récits sont à la fois attachants, colorés, imprévisibles. Tout peut arriver. De page en page, on ne cesse d’être charmé.e.
Et sur l’album, lorsque j’entends « Monseigneur l’hiver », je frissonne d’effroi. Les mots sont d’une justesse implacable pour ce morceau engagé sur la thématique du « Je ne savais pas, je n’ai pas vu, je n’ai fait que ce qu’on m’a demandé » et qui teinte de sang nos sociétés depuis des lustres à coups de sacrifices humains 💔. Ce titre est arrangé comme un conte de Noël teinté Tim Burton. L’horreur dans un écrin de douceur.
À Fuck toute, À Love toute, transpire également la résilience, cette force intérieure qui nous permet de résister, de rebondir et de se relever des ruptures existentielles, des traumas, des souffrances physiques et psychiques. La vie nous percute, mais les ressources accumulées par les années servent de substrat riche à l’épanouissement de l’âme et du cœur.
La plume multiforme de Rodrigue m’exaspère autant qu’elle m’inspire. Elle me défie. Grâce à elle, j’ai appris à oser, à moins avoir peur, à dépasser mes limites, à sortir de ma zone de confort. Merci 🙏.

Envier les Vivants, Intenable

On sort du registre rock indé, pour entrer dans le punk-rock. Le son des guitares est beaucoup plus saturé, puissant et l’énergie plus bondissante. La musique véhicule la rage d’exister. Toutefois, et c’est là que le charme opère, Intenable possède une délicatesse dans la façon d’écrire ses textes qui sublime les affres de la vie de l’être humain. Je ne sais par quelle magie l’auteur procède, mais il glisse de la douceur et de la subtilité dans un style qui n’y est pas habitué d’ordinaire (je dis bien d’ordinaire, il y a toujours des exceptions). Ici, la fluidité des mots surfe sur la fluidité des maux, tout en finesse et les multiples douleurs (mort, maladie, souffrance psychique…) sont transcendées grâce à l’énergie débordante du groupe et de sa musique. L’une complète l’autre et réunifie la vie.
Je connaissais uniquement (ou presque) le morceau « Ma Solitude » (que j’affectionne particulièrement du fait de la justesse émotionnelle ressentie) issue de leur premier album, La Cour des grands, avant de les revoir en concert à Vannes, dernièrement, et j’ai apprécié d’être happée par l’énergie scénique du groupe et leur gentillesse. La douceur et la bienveillance, c’est important dans cette société brutale ! Oui, oui.

Sur l’album Envier les Vivants, les titres « Ensemble, en cendres » et « Mer morte » m’ont à la fois brisé le cœur et remplie d’amour. Ce sont de vrais crève-cœurs, mais on est guidé.e tout le long du chemin, on n’est pas isolé.e ni abandonné.e sur le bord de la route. Un ami vous prend la main pour vous soutenir, pour partager votre souffrance. Une bulle de compassion dans laquelle j’ai aimé me lover, malgré sa tristesse.
Réminiscences douloureuses du passé, évidemment, mais je ne me sens pas seule. Et c’est là l’universalité des histoires les plus personnelles. Elles réchauffent les cœurs meurtris. Nous partageons toustes les mêmes histoires.
Et moi, cette écriture, je n’y arrive pas. C’est trop intime, c’est trop personnel, c’est trop… souffrant. Ça bloque à l’intérieur, là, au niveau du plexus, du cœur et ça remonte dans la gorge. Ma plume se paralyse, se glace. Alors, je reste dans le flou, l’éthéré, l’abstrait. Ces deux textes, j’aurais aimé avoir été capable de les écrire… Oui, il y a une légère pointe de jalousie, j’avoue, parce qu’il m’est compliqué de sortir de cette zone de confort-ci.

Si vous avez un peu de temps, mais que vous ne voulez pas écouter l’intégralité de l’album, allez jeter une oreille au morceau « Le Portrait de Marcel », une ode aux anonymes travailleureuses de l’ombre, les invisibles, les petites mains essentielles à la société et méprisées, piétinées par les élites. Ce titre est peut-être un peu moins déclenchant émotionnellement que les deux autres précédemment cités, mais c’est une pépite entêtante… une pépite d’empathie. Et la justesse des mots choisis me fascine. La plume est précise, percutante, fluide. À elle seule, cette chanson montre une partie de l’étendue des capacités du groupe Intenable en matière de musique et de paroles. Comme le titre « L’époque ».
Envier les Vivants est un album riche et mélodique, magnifique graphiquement grâce aux sublimes dessins de A.Przynierska. Ils accompagnent tellement bien l’ambiance de l’album. Les multiples chœurs (Membres du groupe ou chorale) offrent une touche apaisante aux rythmes punk-rock, comme des bouffées d’oxygène qui redonnent vie pendant une crise d’angoisse, une dépression.
Mêler subtilité, émotions vives, douceur, bienveillance, compassion, empathie et considérations sociales, dans un seul et même texte, n’est pas aisé à accomplir, et pourtant la poésie d’Intenable réussit à tenir la route sur la longueur et elle leur permet de construire un album équilibré, pertinant et (af)fûté. Respect.

Un exutoire

Rodrigue est dévoré, Intenable est becqueté…
Qui souffre de la morsure de l’Ogre-Vie ?
Pas de préférence, pas d’échelle, pas de jugements.
Moi j’me pétrifie dans ma petite boîte.
Alors que je n’ai cité que quelques textes, ma plume, différente, tremble et tache d’encre ma vie…
Et vous, quel rapport vous entretenez avec l’écriture des autres ?

L’écriture est une forme d’exutoire. Elle permet de s’affranchir des règles, d’oser là où la vie, la morale ne nous le permet pas. Et lorsque le travail est effectué intelligemment avec une poésie affûtée, avec bienveillance et compassion, alors les émotions passent sans force. Dans la souffrance et dans l’amour partagés, les doux mots des maux nous emportent en tourbillon infini, des instants suspendus, hors du temps, on effleure l’éternité.

Si vous avez l’occasion, allez voir ces artistes en concert, ça vaut le détour.

Et d’ici là, rappelez-vous, vous n’êtes pas seul.e.s 🙏💜.
J.

Informations complémentaires non exhaustives

Bibliographie

Musicographie

Sitographie

Intenable
Le Jardin des délices
Rodrigue

Pour aller plus loin

Live

Clips